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«Je ne sais à qui m’adresser... À toi, Michel, qui ne peux plus me lire?»

Carnets de voyagedossier
Textes ou dessins, ses amis rendent hommage à Michel Renaud, fondateur du Festival du carnet de voyage de Clermont, tué lors de la fusillade à Charlie Hebdo.
publié le 12 janvier 2015 à 10h28

Je ne sais à qui m’adresser… À toi, Michel, qui ne peut plus me lire? À vous, sa femme et sa fille, dont j’imagine la peine immense? À vous, mes amis du beau Rendez-Vous, organisateurs bienfaiteurs et confrères carnettistes, trop tôt réunis dans ce grand chagrin ? Aux amoureux fous de voyage, à ceux pour qui la vie ne vaut qu’un crayon à la main, comme ceux de Charlie? À tous, tous, tous? Même à ceux qui osent trouver quelque excuse aux assassins?

Oui, pourquoi pas? Ceux-là, j’aimerais qu’ils sachent au moins une chose. Dès 2009, Michel fut l’un des parrains les plus enthousiastes de notre projet de carnet palestinien. Je n’ai pas connu Michel à Clermont, ni à Paris, mais à Ramallah. Fidèle à la devise («Il faut aller voir») de l’association qui organise le Rendez-Vous, il était venu rencontrer deux jeunes photographes et journalistes palestiniens sur place, pour les inviter à exposer avec nous. Ainsi, mon premier souvenir de toi, Michel, se passe autour d’un bon repas halal.

Michel, pour moi, c’est d’abord un sourire complice, l’œil qui frise, des mains qui parlent et une voix qui accueille. Peut-être ne l’ai-je pas assez connu pour assister à l’un de ses célèbres coups de gueule? Je garde surtout en mémoire notre conversation sur l’écriture, à l’arrière d’une voiture, sur la route 60 qui traverse la Cisjordanie, puis la visite recueillie de la «Mosquée d’Abraham» et celle, bouleversée, de la vieille ville d’Hébron sous l’emprise des colons…

Les deux journalistes palestiniens, Saed Karzoun et Muhammed Muheisen, le premier depuis Ramallah, le second du Pakistan où il est en reportage dans un camp de réfugiés, nous ont fait part de leur immense tristesse, comme en témoigne ce message envoyé par Muhammed: «Je suis sans voix, choqué et triste, je ne sais pas quoi dire, j'ai suivi les nouvelles et j'étais inquiet, mais jamais l'idée que Michel soit parmi les victimes ne m'a traversé l'esprit. Je suis tellement désolé et triste. Je n'ai eu que de très bons moments avec lui. Nous avons passé des journées entières ensemble, il fut mon invité, dans ma maison… Cela me brise le cœur. S'il vous plaît, transmettez mes condoléances à sa famille.»

Michel, t’ai-je assez remercié pour ton soutien sans faille ? Je n’en suis plus très sûre. À la fin du livre, évidemment… Mais de vive voix?

Merci pour ta fidélité, ta générosité, ta grande humanité. Personne ne t’oubliera, ni ici, ni à Ramallah.

Véronique Massenot

Textes ou dessins, tous les témoignages sont les bienvenus et nous continuerons à les publier dans cette page. Comme vous l'imaginez, ce travail se fait dans l'urgence, mille excuses donc pour les coquilles et fautes d'orthographe…

Merci à tous. Fabrice Drouzy. Contact: f.drouzy@liberation.fr

On est est tous une petite étoile de ta galaxie

J’ai connu Michel et sa femme Gala lors des premières biennales et c’est un grand monsieur qui est parti là…

Je serai toujours reconnaissante de tout ce qu’il a fait et été et pour la flamme qu’il a allumé, les amitiés qu’il a créé, les envies de voyages, les projets qui font bouger dans le bon sens…

Il a donné à nos vies une couleur spéciale et nous a encouragé à révéler nos talents et notre nature profonde, à être des éclaireurs, des gribouilleurs curieux, à rêver le monde en mieux...

Plus que jamais on va continuer le voyage.

Merci Michel, on est est tous une petite étoile de ta galaxie.

Avec toute mon amitié. On est avec toi

 Anne Steinlein, nomade aux pinceaux»

 «Eh bien moi, je ne te connaissais pas»

Michel, non, je ne te connaissais pas. Ni au propre, ni au figuré. Ni dans les grandes largeurs ni même entre les lignes. Je n’ai jamais bu de vodka kazhake avec toi, ni partagé d’andouillette-frites au comptoir, ni commenté tard dans la nuit la stratégie géopolitique des anciens régimes communistes. Jamais un fou rire ni une engueulade.

Michel, tu ne me connaissais pas non plus. Tu connaissais peut-être mon travail, peut-être pas. On s’en fout. En tout cas, moi, je m’en fous. Parce que le plus important, c’est que tu es celui qui, grâce aux Rendez-vous de Clermont, m’a permis de commencer à jouer dans la cour des grands. Celui qui m’a récompensée pour mon travail. Celui qui lui a permis d’être vu, d’être lu, d’être exposé, d’être questionné, d’être publié. Celui qui a fait un magnifique cadeau à la petite nouvelle que j’étais, moi qui osais à peine tutoyer des gens dont j’admirais le travail depuis des années, parfois depuis l’enfance, des gens dont le travail m’avait donné envie de faire ce métier. Celui qui m’a donné un jour le même badge que tous ces artistes dont je doutais de faire partie. Celui qui a donné un sens à ces dizaines de carnets que je remplissais depuis des années. Celui qui m’a donné la confiance dont j’avais besoin. Celui qui m’a rendue fière de mon travail pour la première fois.

Celui aussi qui a permis de belles rencontres et qui m’a donné une place dans ce monde des voyageur-euse-s…

Michel, à travers nous tou-te-s, à travers nos démarches et regards multiples d' artistes, d' auteur-e-s, de photographes, de cinéastes, à travers notre travail, c’est également à des milliers d’autres personnes que tu as donné les clefs de portes parfois bien verrouillées. Celles de l’ouverture d’esprit, de la réflexion, de la rencontre, de l’envie, de l’humilité, de la simplicité, de la rencontre, de la critique, de la culture, de l’art, de la curiosité surtout.

Alors aujourd’hui, plus que jamais, il faut aller voir. Il faut continuer à protester, à réagir, à critiquer, à oser, à bousculer, à interroger, à ouvrir, à dire, à témoigner, à rapporter. Il faut continuer à dessiner et à écrire.

C’est grâce à toi que tout a commencé. C’est grâce à toi aussi que tout continue.

Merci…

Violette Gentilleau

Les mots restent ancrés dans la mémoire

Ci-dessus, une contribution en hommage à Michel Renaud qui avait accueilli avec enthousiasme mon travail au Rendez-vous 2007 à 2009, notamment sur les dessins de jazz, que son équipe a contribué à faire connaître, en m’accueillant entre autres en résidence au Festival de jazz de Clermont en 2008, et dont il avait sincèrement apprécié les textes.

Je me rappelle précisément les mots qu'il avait utilisés au cours du vernissage de l'expo de l'Espace Victoire à Clermont-Ferrand: «c'est pas seulement les dessins… Il faut aussi lire ses textes». Ce n'était pas une flatterie mais plus qu'un compliment, une simple remarque au détour de son discours qui m'avait fait vraiment chaud au cœur. C'est peu de chose. Nous sommes peu de chose mais les mots restent ancrés dans la mémoire et ça, ça ne s'oublie pas.

Didier Locicero

Que vivent les carnets de voyage

Moi je t’ai assez connu - les 5 premières biennales - pour connaître un de tes célèbres coups de gueule. Ce qui n’est pas réellement pour me déplaire !

D’autant que ce jour ou nous aurions pu nous fâcher vraiment, nous avons su parler d’autre chose et faire renaître un sourire de part et d’autre en évoquant un pays que nous aimions l’un comme l’autre la Russie…

Je pense beaucoup à Gala et votre fille qui n’a pas loin l’âge de la mienne.

Ce mercredi nous étions trois carnettistes réunies, qui se sont rencontrées il y a quatorze ans grâce à toi et nous avons pleuré comme rarement… Même si notre amitié - grâce à cette première biennale - n’a jamais failli…

De là où tu es tu es forcément en paix avec tout ce que tu as donné tout ce que tu as vécu, n’en doutons pas, ce serait trop triste d’en douter; et la journée de mobilisation d’hier a tellement de sens qu’elle apporte un soulagement aux familles je l’espère tant.

Et à toi aussi.

Que vivent les carnets de voyage

Infiniment…

Et la solidarité nouvelle qui devrait naître de ces derniers jours de deuils et de manifestations.

Christelle Guenot

Revenir pour partager, témoigner…

Michel, Je t’ai connu lors de ma première biennale, en 2004, j’étais tout heureux d’être parmi les heureux élus sous la tente du «Off» qui se dressait à l’extérieur de la Maison de la Culture. J’étais tout aussi impressionné par ta forte personnalité que par ce monde des carnettistes que je découvrais alors.

Puis, au fil de mes participations, j’ai compris que tu aimais mon travail. Je me souviens en 2008 de ton coup de fil, alors que j’étais en Iran. Tu m’as alors sélectionné sans même voir une seule image, m’offrant ta confiance.

En Novembre, lors du dernier RV, nous avons pu échanger longuement sur mon dernier carnet d’Asie Centrale avec ta femme, cette région qui vous a tant touchés.

Grâce à toi et à ce Rendez-vous de Clermont-Ferrand nous nous sommes connus et avons pu rencontrer un public toujours plus nombreux.

Je regrette de ne pas t’avoir vraiment remercié pour tout cela.

Oui il faut aller voir, mais aussi en revenir pour partager, témoigner…

Au moins, une chose sûre c’est que nous finirons tous un jour à tes côtés pour te présenter notre ultime carnet de voyage…

Philippe Bichon

 C’est bon de sentir toutes ces énergies

Ca tient chaud quand on a le cœur glacé.

Regarde Michel, cette énergie brûlante est une des choses que tu laisses à ce monde.

Ce n’est pas rien. Ça ressemble à une petite galaxie.

Des familles d’humains ont pu, grâce à toi, se trouver se rencontrer dans le grand dédale de l’existence et allumer des petits ou des grands feux qui brûlent encore…

Je ne sais ce qui t’attend de l’autre côté, il paraît que c’est infiniment beau. tant mieux.

J’espère que ton appétit de grand voyageur sera à son comble.

Cabu, Tignous, Charb, Wolinsky, Honoré…

Regarde, d’autres galaxies se joignent à celle-ci, des millions d’étoiles…

Bon voyage dans le grand tout, Michel, et un immense MERCI.

Ceux qui restent ne t’oublient pas.

Benjamin Flao

Nous continuerons plus que jamais à voyager, dessiner, écrire…

Plusieurs jours paralysée par la stupeur… Littéralement terrassée par le choc des événements. Quand certains ont le crayon indigné et prolixe, impossible de sortir un trait, une phrase.

Michel, je ne te connaissais qu’à travers l’œuvre que tu laisses à tes amis carnettistes, ce festival qui a tant apporté, à tant de dessinateurs solitaires qui noircissent des carnets dans leur coin. Tu leur as donné une formidable occasion de se rencontrer dans la curiosité, l’amitié, l’échange, la diversité des styles et des démarches. Tu les as fédérés, galvanisés, et (parfois sans le savoir), tu es à l’origine de tellement de beaux projets nés pendant le festival.

Pour tenter de te remercier pour tout cela, nous continuerons plus que jamais à voyager, dessiner, écrire, bref témoigner de la beauté du monde, et de 99,9% de ses habitants, pour encourager la curiosité de l’Autre et de ses différences, prôner l’ouverture et la tolérance.

Dénoncer aussi ce qui ne tourne pas rond, ouvrir les yeux et le débat.

Je suis par la pensée avec ta famille et toute l’équipe du Rendez-Vous. Un soutien particulier pour Gérard Gaillard.

Au revoir Michel et MERCI pour tout ce que tu laisses à la famille des carnettistes.

Tu es parti en bonne compagnie, et j’espère que là où vous êtes, vous vous marrez bien.

Stéphanie Ledoux

On est nombreux à savoir tout ce qu’on te doit

Pas un cm2 de libre, à 2km de la Place de la République…
Et dans ces millions de manifestants, quelques-uns qui pensent à toi.

Il y a 10 ans, tu me remettais un prix à Clermont, me précisant qu’il était grand (c’était son nom). Moi j’avais rigolé, en te rappelant ce que je pensais des prix, et que tu ferais mieux de l’appeler plutôt le Gros Prix (vu qu’il est subventionné par le bibendum Michelin). Je t’ai aussi rappelé que les trophées que tu m’avais filés les années d’avant (Jury Grands Reportages en 2002, la veille de mes 20 ans, et Prix de l’écriture en 2005) n’avaient pas changé grand-chose à ma vie. Ta cérémonie du Grand Prix (tu tenais aux majuscules), elle se déroulait dans une petite pièce sans prétention, genre salle de classe : c’était simple, drôle et fraternel.

J’ignorais encore que grâce à ça, et à toi, j’allais bientôt faire les rencontres amicales et professionnelles les plus précieuses qu’il m’ait été donné de vivre.

Patrick Bard, le président du jury, me convainc de collaborer avec des photographes dans mes reportages dessinés (tu connais la suite : Les Yeux dans le Monde, rencontrés chez toi l’année d’avant, et aujourd’hui le Collectif Argos). Frédéric Vidal, fondateur de BoDoï, qui me remet le prix, crée le magazine Casemate l’année suivante en me confiant un reportage BD mensuel. Catherine Domain, fondatrice de la librairie Ulysse, annonce le voyage en Ecosse pour ARTE et Gédéon Programmes quelques mois plus tard… Et l’Inde deux ans après, où je partirai avec toi et Elsie… Toujours grâce à toi. Moi, qui n’avais jamais été plus loin que mon RER C…

Demain, on doit parler de tout ce que le monde des dessinateurs de voyage et de reportage te doivent, à la télé, avec Elsie. Alors je fais défiler les photos des 13 années où j’ai participé à ce Rendez-Vous du Carnet de Voyage. Lentement, comme dans un mauvais film triste, en pensant à Gala et à Vassilissa.

C’est vrai, je rigole aujourd’hui toujours des prix. J’avais même, par bravade, menacé de tous te les rendre, si on ne remettait pas en question, ensemble, ce genre du carnet de voyage dont tu étais devenu au fil des ans le mentor et le passeur. Je m’en veux pourtant de m’en être encore une fois moqué cette année, sur la scène, en novembre. T’avoir reproché d’avoir fait ces trophées en plastique. Je regrette surtout de ne pas avoir été sur la photo de groupe, avec les autres primés, pour poser avec toi. Je ne regrette pas vraiment notre dernière engueulade, ni mes provocations au long du festival (quand même, se jeter nu dans la piscine de la Banque Populaire, ton premier sponsor, je suis pas sûr que tu me l’aies pardonné). Non: je regrette juste que ces salauds ne nous aient pas laissés le temps de nous réconcilier autour d’une vodka, comme à chaque fois.

Car Michel, sois bien sûr qu'on est nombreux à savoir tout ce qu'on te doit.
Et, petit ou grand, ça n'a pas de prix!

Salut l’artiste, et merci. Pour tout.

Damien Roudeau

 Michel, tu étais à Paris ce matin là…

Michel n’avait-il pas tout en lui pour devenir le fondateur d’un festival de voyageurs-dessinateurs ? La sympathique rotondité de la terre et une allure à croquer d’un coup de crayon avec son verbe tranché, une chevelure céleste et… des chaussures rouges.

Comme tant d’autres nous l’avons connu en 2005 à travers ce beau rendez-vous qu’il avait su créer avec tous les membres de l’IFAV. Il était d’ailleurs venu nous rendre visite en 2006 lors du tournage de petits reportages dressant le portrait de dessinateurs voyageurs bretons dons nous étions avec Denis Clavreul et Jean-Claude Crosson. Nous lui avions préparé un vaste plateau de fruits de mer dont il a dû emporter avec lui le souvenir ému tant il l’avait manifestement apprécié ce jour-là.

Si nous ne partagions pas toujours ses choix ou ses méthodes, nous célébrerons la volonté de celui qui a si dynamiquement participé à faire du carnet de voyage un art populaire, - deux mots qui n’ont hélas pas si souvent l’occasion de se côtoyer. Et qui au fil du temps a permis de rassembler tant de passionnés et offert à tous l’occasion de si belles rencontres.

Michel, tu étais à Paris ce matin-là… Le destin est décidément chose bien étrange. De tels événements naissent car nos sociétés sont désenchantées, malades d’ignorance, d’inculture et du désamour que nous avons les uns pour les autres. Puisse sa mort et celle de tous les autres servir à faire durer longuement ce puissant moment d’union et de fraternité universels.

Claire & Reno Marca

Une grande famille

Je suis arrivée au festival de Clermont avec mon tout premier carnet de voyage, un peu intimidée par cet univers que je ne connaissais pas! J’ai découvert une grande famille, des dessins partout, des âmes voyageuses, un lieu de rencontre, de partage... Nous nous sommes croisés dans ce grand rassemblement de livres, de regards, d’échanges. Merci à toi Michel, ce festival m’a donné confiance en moi, en mon désir de raconter, d’écrire, de dessiner. Oui il faut aller voir, encore et toujours, donner à voir, aujourd’hui plus que jamais.

Merci...

Christine Ammour

Voilà que tu pars en voyage sans prévenir

Quelle sale nouvelle. Voilà que tu pars en voyage sans prévenir. Le choc est grand, et peut être n’imaginais-tu pas l’importance de ce que tu as engendré :

Avec quelques-uns, une poignée, tu avais eu cette idée folle d’un festival de carnet de voyage à Clermont. Je suis arrivée à la deuxième édition, où nous nous sommes retrouvés, avec mes amis les trois Moustiquaires, et nos petits dessins sans importance, tous voyageurs-dessinateurs-solitaires, surpris de découvrir tant d’autres voyageurs-dessinateurs-solitaires.

Je repense donc, particulièrement, émue, à ce festival 2001, invitée avec mes chers amis, parce que primés. De cette édition, et de ces rencontres magnifiques, sont nés de belles histoires et longues amitiés, voyages, livres, maisons d’édition, mais surtout des fous rires mémorables que tu regardais d’un air goguenard, grand coordinateur de la manifestation, excité par le projet et l’ampleur qu’elle prenait déjà, entre tes célèbres coups de gueule et sourires amusés.

Et je te remercie infiniment.

Et voilà que tu repars avec d’autres dessinateurs avec lesquels tu nous fais des infidélités… et quels dessinateurs ! Car bien sûr, comme si ça ne suffisait pas, tu pars avec les plus grands, les plus sympas, et les plus drôles…

Nous pleurons tous. 
Il faut des dessinateurs courageux, et des «encourageurs de dessinateurs» non moins courageux.

Cathy Beauvallet

Un petit dessin pour un grand bonhomme

Un petit dessin pour un grand bonhomme qui nous a trouvés, aidé, bousculé, aimé, détesté mais qui jamais n’est resté indifférent.

Ce dernier voyage, tu le fais sans nous, mais tu n’as pas pu te résigner à partir sans compagnon capable de dessiner ou d’écrire, qui plus est les meilleurs mais cela ne nous consolera pas pour autant.

Nul doute qu’aux quatre coins de la planète, assis face au monde, crayon, pinceau ou stylo à la main, à chaque fois qu’un membre de la famille des carnettistes se posera, une pensée te sera envoyée.

Bon voyage Michel.

Didier Brot

Grâce à toi, j’ai rencontré la famille des carnettistes, des voyageurs et des gribouilleurs

Michel, aujourd’hui, dimanche 11 janvier 2015, j’ai marché en ta mémoire, pour honorer ton souvenir, en présence de millions d’autres personnes.

En 2003, suite à l’attentat du 11 septembre 2001, je suis licenciée de l’Ambassade des Etats Unis qui rapatrie le service où je travaille depuis 16 ans. Je montre pour la première fois mes carnets de voyage à la Biennale du carnet de voyage de Clermont Ferrand et j’obtiens le 3ème prix du public. L’année suivante, 3ème prix à nouveau, et second prix en 2005. Tu te moques de moi et me surnommes le Raymond Poulidor du carnet de voyage, surnom d’autant plus cocasse que je ne sais pas faire du vélo.

En 2005, tu viendras à la maison avec une équipe de La Montagne pour réaliser une interview filmée sur mon travail. On ne te voit pas à l'image mais c'est ta voix qui rythme la vidéo. Tu étais le chef d'orchestre de cette biennale que l'on aimait tant dire qu'elle était annuelle, avant qu'elle devienne ce Rendez-Vous incontournable. Tu nous menais parfois à la baguette, de façon un peu bourrue, car ta bonhomie cachait un professionnel exigeant.

Grâce à toi et à la biennale, j’ai rencontré la famille des carnettistes, des voyageurs, des dessinateurs et des gribouilleurs. Je me suis fait des amis, j’ai rencontré l’amour, et depuis, je partage ma passion avec des petits et des grands, dans le monde entier.

J’ai appris ton décès le 7 janvier, la veille des 81 ans de mon père, Michel, qui fut un grand sportif et un champion cycliste. Alors, c’est décidé, cette année, Michel, je vais apprendre à faire du vélo et pédaler de toutes mes forces de jeune cinquantenaire, pour célébrer la liberté de vivre dont on t’a lâchement privé. Je pédalerai en pensant à Gala et à Vassilissa, tes deux reines. Ma petite reine, je l’appellerai Michel parce qu’Il Faut Aller Voir. Tous différents, mais tous ensemble, avec toi.

Merci de nous éclairer de tout là-haut. Et à bientôt (mais pas trop vite quand même).

Antonia Neyrins

Hasard d'un destin malheureux

Odieux et foudroyant départ

Michel Renaud d' il faut aller voir

Mercredi 7 janvier 2015, tu es parti aux cieux

Avec Cabu ton nouvel ami et la bande à Charlie.

Gardons en mémoire l'homme que tu étais

En souriant à la vie que tu croquais

À ta famille et amis, nous pensons aussi.

Michel, tu étais le papa fier

Inventeur, rêveur,

Créateur de ce rendez-vous de voyageurs

Haut en couleur, au de-là des frontières

Et tragiquement de toi ils nous ont dépouillés,

Laissant nos crayons endeuillés.

Rendez-vous là-haut, nous dirais-tu enjoué !

En attendant ce jour,

Nous commémorons ton esprit, ta bravoure

Avançant sur le chemin que tu nous as tracés,

Un chemin de carnets, de fraternité, de tolérance

Douloureusement, nous saluons ta révérence.

Aurélie Pedrajas. (alias Miss globe-croqueuse)

Quels beaux témoignages mes ami(e)s voyageurs de bord de l’indicible…

Me voilà moi à dire que d’habitude j’écris plutôt. Michel avait aimé mon «Tong story, l’adieu dans la poche». Une marche au Népal pour dire combien c’est difficile de dire au revoir. Tiens, tiens…

Que de souvenirs. Que de rencontres. Que de belles amitiés en marche. Depuis Clermont-Ferrand, Brest, St Malo, La Plagne. Merci !

Oui d'habitude j'écris. Mais écrire là aujourd'hui, j'ai pas pu. Je n'ai su que coller des morceaux. Faire un collage. J'ai collé des morceaux. Fait un collage. En ce jour N0! (Oui je sais)… La photo jointe est mauvaise désolée. Et même coupée. Comme surex. Glissante ? Eblouie, amputée. Une des lectures possibles, quand même en bas à droite: «Ainsi va la vie à la lumière à la lumière des âmes douces. Bientôt.» Pas la possibilité d'en faire une autre. Oublié l'original dans mon autre maison. Mais finalement c'est bien comme ça. Puissiez-vous marcher encore longtemps !

Vous embrasse

Thézame

Un arbre et des oiseaux aux ailes de papier...

Pour toi Michel Renaud

J'étais en train de dessiner des «arbres» lorsque la nouvelle est tombée ; mes crayons sont tombées d'un coup comme les feuilles d un arbre secoué par une tempête hivernale! Une douleur retentissante» a surgi  et cette question incessante  qui me taraude depuis ce funeste jour: «Pourquoi MICHEL et tous les autres?»

Ma boite d'aquarelle s'est embuée mouillée par mes larmes... J'ai regardé ma page avec mon arbre... Un arbre /un homme! «Quel plus beau symbole que l'arbre», me suis je dis!

Michel a enraciné en moi ce lieu de rencontres et d’échanges qu’est le Rendez vous du carnet de voyage. Son équipe ou plutôt sa bande a semé des milliers de graines voyageuses  et m’a permise de rencontrer de «drôles d’oiseaux»!

L’arbre survit parfois à son celui qui l’a planté ; c'est le cas de Michel Renaud!

Aujourd’hui, ’espère que toutes les branches continueront de bourgeonner et de  fleurir à travers nous pour que tous les oiseaux aux ailes de papier  affublés de leurs beaux plumages  puissent s’y poser et chanter ensemble :

«Merci Michel et vive la Liberté !»

Je lui dédie donc mon bel arbre de La Liberté! Et pourquoi ne pas planter à Clermont -Ferrand... un bel arbre...

Anne Bronner

Le grand livre du destin s’est ouvert

Depuis le Kerala (Inde du Sud)

Bonjour à tous les amoureux des voyages, aux artistes voyageurs que vous serez toujours. Michel a repris son sac à dos. La devise «il faut aller voir» prend tout son sens. Merci pour toutes les belles rencontres et pour l’immense chance qu’il nous a donnés de nous connaître.

Que mes partitions de musique soient un hommage à sa passion, que leurs douces mélodies apportent un peu d’apaisement à ses proches dans ces moments de douleur. Le grand livre du destin s’est ouvert et Michel est reparti.

La preuve de la solidarité n’est plus à faire qu’elle perdure à jamais et nous lutterons pour elle. Je pense à vous tous, à sa famille et à toute l’équipe de l’IFAV.

Que les rendez-vous du carnet de voyage soient encore longtemps un pôle de convivialité, de plaisir de franches rigolades et de paix entre personnes de grandes qualités profondes amitiés.

Christian Lafay

En fait, il a toujours été Charlie!

Bonjour,
Ce sera, je nous le souhaite, une bonne journée,

Depuis 3 jours, je cherche à rire sur sa réaction si on lui avait dit, qu'à sa mort, sa photo ferait l'actualité de CBNews, qu'on décréterait un deuil national, que les drapeaux seraient en berne, que les chefs d'État de l'Europe et du monde défileraient avec des centaines de milliers de personnes, qu'on lui déposerait une gerbe, tout à l'heure à Clermont-Ferrand, devant le Polydome au prétexte - réducteur - de Fondateur des «Carnets de voyage«.

Je cherche à rire de ce dont il aurait ri, lui qui n’a jamais eu aucune illusion ou prétention  sur quelque reconnaissance à attendre.
Michel était un homme d’engagement. J’aurais aimé rire avec lui, comme nous avons souvent eu l’occasion, de telles contradictions. Michel savait en rire.

Être au mauvais endroit, au mauvais moment. Michel n'a pas choisi. Il a été emporté dans cette même rafale qui a atteint Cabu, Wolinsky, Charb … Il a été emporté par ce même rafale qui cherchait à anéantir indépendance et liberté.

Michel était libre. Il n'a pas supporté. Michel est décédé. Et ça fait chier.

 Roland Auroy

Michel,

Si seulement, de l’au delà, tu pouvais lire et voir tous les témoignages et portraits qui fleurissent sur nos écrans depuis dix jours. Toi qui aimais les carnets de voyage, mais plus encore la compagnie des dessinateurs et auteurs, ce goût des autres t’a poussé à créer, en 1999, non sans humour, l’unique biennale annuelle au monde !

Grâce à toi et à ta tribu de dévoués bénévoles, grâce au public toujours fidèle et croissant de ces rendez-vous européens des carnets de voyages, nous formons aujourd’hui une famille de « carnettistes », unanimes pour te reconnaître, de près ou de loin, une paternité à ce que nous sommes devenus.

Il faut bien dire que tu avais la stature d’un patriarche, d’un chef de clan, d’un mentor. Tour à tour inspiré et généreux, colérique et dominateur. Eric Gauthey, ton ancien pote, qui avait fondé la biennale avec toi en sait quelque chose. Il n’y a qu’un seul Empereur… Omniprésent, même après ta retraite officielle. L’occasion, en réalité, d’une seconde jeunesse qui t’a poussé à repartir, avec Gala et Vassilissa, en Inde puis au Kirghizistan.

Ni les années, ni le succès de ton festival n’ont entamé ton enthousiasme juvénile, dès lors qu’il était question de débattre des derniers ouvrages parus lors d’un jury, de concevoir une exposition, ou d’aller voir un dessinateur dans son atelier. J’imagine, comme si j’y étais, ton regard pétillant et ton sourire jubilatoire à la perspective d’assister à un comité de rédaction de Charlie Hebdo.

Flash back ! En 2001, l’année où tu nous as contactés, Damien et moi, pour nous inviter à Clermont Ferrand. Je peux, sans exagération aucune, affirmer que cet évènement a changé ma vie.

J'y ai reçu, avec mes acolytes « moustiquaires » Damien Chavanat et Justin Creedy-Smith, le grand prix pour notre Zanzibar, carnets de voyage.

Mais j'y ai surtout rencontré les deux femmes qui allaient devenir mes amies les plus chères, Zahia Hafs, directrice de Lonely planet, sponsor du prix et Cathy Beauvallet, lauréate du prix Grands Reportages et ancienne des Arts déco comme moi.

À plusieurs, nous avons crée une maison d'édition de carnets de reportages, Jalan Publications. Une aventure merveilleuse qui a vu naître une douzaine de livres et nous permis de monter des projets et de tisser des liens d'amitié avec de nombreux dessinateurs voyageurs de tous âges et horizons.

Michel, parmi la multitude de souvenirs qui ont afflué de ma mémoire, il y en a un qui domine, qui m’émeut plus que tout autre car il m’a révélé une facette insoupçonnée et intime de ta personnalité : celui de ta métamorphose en papa de Vassilissa !

Gala resplendissait avec son gros ventre mais toi, tu étais très, très perturbé. Tu bougonnais à qui voulait l’entendre que, redevenir papa à près de soixante ans, ce n’était plus de ton âge. Et puis, Vassilissa est née, et le miracle s’est opéré. Tu explosais de bonheur. Ce bébé a gommé, d’un trait, toutes les années qui te pesaient. Un autre Michel est né en même temps que sa fille, animé d’un élan neuf, d’une capacité d’émerveillement sans limites. La retraite t’a donné le bien le plus précieux, le temps d’être avec ta fille. En Inde, à Pondichéry, je t’ai observé avec elle. Tu l’emmenais partout avec toi, tu ne la considérais pas comme une petite, mais comme une personne à part entière. Tu prenais le temps de lui expliquer, de la faire participer. Tu étais si fier et heureux qu’elle ait déjà son propre carnet de voyage.

En novembre 2013, Gala et toi m’avez invitée à dîner. Tu es venu me chercher à mon hôtel avec Vassilissa. Elle te tenait par la main, aussi fière de son papa que toi d’elle. J’ai été frappée par les nombreuses questions qu’elle me posait, par sa vivacité, son aisance avec les adultes. Avant le dîner elle m’a montré ses carnets. Je pensais qu’elle retournerait ensuite dans sa chambre, mais non, pas du tout. Elle est restée avec nous, nous écoutant de son air sérieux et concentré. Vous étiez merveilleusement complices.

Depuis dix jours que votre bonheur à été fracassé, je ne cesse de penser à vous deux, Gala et Vassilissa, qui devez apprendre à vivre sans Michel.

Je suis née de parents qui ont tous les deux perdu leur père avant dix ans, de mort violente. Mes grand-mères ont élevé seules leurs enfants et elles se sont forgées de fortes personnalités, originales et libres.

Vassilissa, ne crains pas l’avenir. Ton papa t’a déjà transmis ce qu’il était et avait de meilleur. L’appétit d’aller voir le monde, son goût des autres et son talent qui bouillonne dorénavant en toi.

Tu portes ce trésor en héritage, et il va continuer de croître et de s’épanouir au fur et à mesure que tu grandiras. Ton papa continuera de vivre à travers toi et tous ceux qui l’ont connu et aimé.

Gala et Vassilissa, poursuivons le voyage tous ensemble.

Elsie Herberstein

Je me souviens...

Tu as rejoins les étoiles qui éclairent le monde. Celui que tu aimais tant parcourir.

Je me souviens de ton bonheur lorsque tu as rencontré Gala. Et plus tard, la naissance de ta petite princesse.

Je me souviens de ton sourire aux allures enfantines, de ton  improbable stylo Mont blanc, de tes chaussures et de ton pantalon blanc…

Je me souviens des discussions que nous avions sur le sens même du carnet de voyage. De la place que les textes devraient prendre. L’éthique, l’intérêt du propos, la liberté d’exprimer le voyage…

Tu m’as invitée en 2001 à remettre le prix Lonely Planet. Grâce à toi, j’ai rencontré Elsie Herberstein, Damien Chavanat, Justin Creedy Smith, Cathy Beauvallet…

Nous  sommes  devenus inséparables depuis.

Ton «invention» nous a inspirés pour créer une petite maison d’édition, Jalan Publications. J’ai adoré publié des carnets de voyage et venir, pendant 10 ans, à Clermont-Ferrand retrouver ta bande de dessinateurs, si impertinents, que tu as su dénicher comme des pépites. Tant de folies partagées. Tant de talents révélés grâce à toi.

Tu fais partie de ces personnes, rencontrées sur mon chemin de vie, qui ont profondément laissé leur marque.

Le temps des larmes laissera doucement sa place à celui, encore plus fort, d’une profonde indignation.

Tu es parti, accompagné de merveilleux personnages. Ce n’est pas une consolation bien sûr. Mais, sans l’avoir voulu, tu fais désormais partie de cet événement qui marquera l’Histoire.

Tu étais un chef d’orchestre à ta façon. Fortissimo, pianissimo…

Ta musique reste et restera dans notre cœur Michel.

Adieu à ta belle âme.

Zahia Hafs

C’est en 2005, à la Biennale, que Michel Renaud devient mon «fil conducteur» (voyages, carnets, carnettistes, communication...), mon sauveur, comme vs tous, famille des carnettistes qui m’aidez à tenir (santé). Certains le savent & m’encouragent, d’autres l’ignorent mais m’aident énormément...

Une demie-heure après cette tragédie du 7 janvier, j'allumais mon écran & suivais ce cauchemar en griffonnant sur la page de garde de mon bloc, comme une automate, les infos glanées d'heure en heure... Puis la longue attente avant de connaitre le nom de «l'invité de Clermont Ferrand»... beaucoup de peine, de tristesse... Bravo à tous pour cette chaine d'amitié, d'hommages, de partages, de dessins (j'adhère au tien Elsie & aux autres), à laquelle je me joints en toute simplicité, pour le grand départ de Michel avec de grands dessinateurs. J'adresse une pensée sincère à sa famille & ses proches.

Vie

A lire aussi: le dernier voyage de Michel Renaud.
Et la vidéo réalisée par Pierre Bigorgne, rédacteur en chef de Grands Reportages. A retrouver également ici.