De Chicago, on connaît en général la réputation sulfureuse – d’Al Capone au meurtrier de South Side –, la skyline qui a poussé depuis le grand incendie de 1871, et quelques paysages urbains aperçus dans les séries Urgences ou The Good Wife.
Laboratoire architectural et urbanistique, la troisième ville des états-Unis, que l'auteur Saul Bellow décrit comme «une pause dans l'espace américain», s'accroche à son héritage midwest, et à sa position critique face aux modes venant de New York ou de Los Angeles.
Avant d'appréhender l'architecture de Chicago, il faut cerner sa géographie. Plus on va à l'Ouest ou au Sud, plus les chances de prendre une balle perdue augmentent. Les quartiers d'affaires du Loop et de River North s'agglutinent au bord du lac Michigan, en prenant de la hauteur. L'architecte et professeur Sam Jacob explique: «Chicago est surréaliste. Au sommet de l'une de ses tours, la nuit, vous voyez le réseau de lampadaires qui s'étend à perte de vue, et la forme noire du lac. C'est le plat paysage du Midwest qui s'expose. Les indices qui permettent de comprendre que ce n'est pas une vision abstraite sont les villes gratte-ciels qui s'élèvent comme une falaise artificielle.»
C’est dans le Loop, centre-ville délimité par la boucle de rails aériens qui l’encercle, qu’on trouve le premier gratte-ciel de l’histoire de l’architecture, construit en 1885, le Home Insurance Building, le plus haut jusqu’à l’érection du World Trade Center: la Willis Tower. C’est le deuxième plus important quartier d’affaires du pays (après Manhattan), pourtant même les jeunes cadres dynamiques évitent d’y traîner après la sortie du bureau.
Ce sont les quartiers du West Loop, avec ses nombreuses galeries d’art et ses restaurants chics, et celui de Wicker Park qui ont subitement vu leurs cotes monter. Ce dernier borde Milwaukee Avenue, son épicentre étant l’intersection avec les avenues North et Damen, où se dresse le Flat Iron Building de Chicago. D’un héritage polonais, le secteur est devenu alternatif, puis simplement branché. Le film High Fidelity (2000) et l’installation de la maison du Real World de MTV dans ses rues, en 2001, ont entraîné sa gentrification précoce.
Aujourd’hui, Wicker Park se mue en rêve de yuppie, et ses jolies maisons en briques sont la terre promise des jeunes couples à labradoodle (croisement labrador-caniche !). Tout autour, à Logan Square, Pilsen, Ukrainian Village et Humboldt Park, les artistes peuvent encore dénicher des lofts dans des blocks restés populaires et les hipsters, des maisons à partager dans les rues autrefois 100 % latinos.
Si Chicago retrace l’épopée architecturale des États-Unis, elle porte aussi les stigmates d’une histoire moins glorieuse : celle de la ségrégation. Dans la ville qui a propulsé les trois symboles que sont Barack Obama, Oprah Winfrey et Kanye West, la ghettoïsation fait rage. Certains quartiers des West et South Side ont valu à la ville un triste surnom popularisé par la scène hip-hop Drill : «Chiraq». Une contraction de «Chicago» et de «Iraq» : depuis 2003, on comptabilise autant de morts à Chicago qu’en Irak. Un autre surnom colle aussi à la ville, celui de «Second City» –bien que depuis 1990 elle est descendue sur la troisième marche du podium démographique.
Mais s’il est un domaine ou Chicago n’a rien à envier à New York, c’est celui du hot-dog. La géniale version Chicago Style se mange (certes difficilement) surchargée de cornichons géants, piments jalapenos, rondelles de tomates, oignons, relish (sauce aux légumes), moutarde (jamais de ketchup), et d’une pointe de sel au céleri. Une construction verticale périlleuse, digne des plus belles prouesses architecturales de Chicago.
ADRESSES
MILLENIUM PARK Ce parc urbain est jalonné d'œuvres d'art comme le Bean d'Anish Kapoor. Tout proche, on peut visiter le deuxième grand musée des états-Unis : l'Art Institute et y rejouer la scène culte de la Folle Journée de Ferris Bueller.
www.artic.edu
THE WIENERS CIRCLE Le meilleur hot-dog Chicago style. Le service est censé y être le pire de la ville (le site du restaurant répertorie des vidéos de bagarres), mais ça fait partie de l'expérience indélébile.
2622 N. Clark St.
ALINEA Couronné de trois étoiles au guide Michelin, le restaurant, spécialiste de la cuisine moléculaire, est connu pour son «ballon en pommes déshydratées gonflé à l'hélium».
1723 N. Halsted St.
AU CHEVALélu meilleur hamburger de la ville, à déguster après un vernissage dans l'une des galeries du West Loop.
800 W. Randolph St.
SOHO HOUSE En offrant une carte de membre aux artistes en vue, l'hôtel et bar Soho House tente d'attirer une faune qui exalte les businessmen en mal de coolitude autour de cocktails et de tables de ping-pong.
113-125 N. Green St.
BIG STAR Avec sa grande terrasse, ses pichets de margarita et ses tacos au chorizo, pas étonnant que la taquería soit la star des débuts de soirée de Wicker Park.
1531 N. Damen Ave.
LONGMAN & EAGLE L'incontournable rendez-vous, surtout pour le brunch du dimanche. On peut aussi y passer la nuit dans des chambres à la déco irréprochable.
2657 N. Kedzie Ave.
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