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Les pieds sous la table à Macao

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Une heure de ferry sépare Hongkong de Macao, ville en plein essor, réputée pour ses casinos, mais pas seulement. Ici, c’est aussi dans l’assiette qu’on gagne le jackpot à tous les coups.
Streetfood dans le quartier des Trois Lanternes.
par Eléonore Klar
publié le 11 mars 2015 à 10h48
(mis à jour le 11 mars 2015 à 10h52)

En abordant la péninsule par la Pearl River, on s’attend à humer une odeur de soufre. On ne peut pas ignorer l’imposante skyline de casinos, particulièrement le Grand Lisboa, gratte-ciel en forme de lotus, propriété de l’illustre Stanley Ho qui détenait, jusqu’en 2001, le monopole du jeu à Macao. Difficile aussi de ne pas voir les magnifiques néons qui signalent les boutiques de nombreux prêteurs sur gages, ou qui éclairent les balcons entièrement grillagés des immeubles du centre, vestiges d’une époque où régnait le crime organisé. Quand on interroge les Macanais, ils assurent que la ville a bien changé depuis la rétrocession à la Chine en 1999. C’est donc surtout l’encens qui parfume désormais les rues, brûlé par les fidèles ou les superstitieux au temple de la déesse A-Ma. Aujourd’hui, on se promène en sécurité (les militaires chinois y veillent) dans les rues de la péninsule, des îles de Taipa et Coloane, ou de l’isthme de Cotai, la bande gagnée sur la mer pour accueillir les nouveaux établissements américains – répliques de ceux de Las Vegas construits ces dernières années.

La rétrocession semble moins problématique que soixante kilomètres plus loin à Hongkong, et les Portugais, qui ont dirigé Macao pendant quatre cents ans, laissent de bons souvenirs. Ayant très vite aidé la population locale à repousser l’invasion hollandaise, ils se sont ­toujours mélangés, tout en recréant des ambiances lusophones : le quartier Saint-Lazare, la paisible île de Coloane, la place de Lilau avec son kiosque et sa fontaine, les pavés nacrés des rues, ­identiques à ceux de Lisbonne.

L’une des traces les plus indélébiles de la colonisation portugaise demeure la gastronomie. Le peuple d’explorateurs a apporté dans ses malles les épices de Goa et du Mozambique, créant une ­cuisine hybride unique, dont les spécialités sont par exemple le «poulet à l’africaine» ou la «serradura», sorte de tiramisu au biscuit typiquement macanais. Des «coudes de porc au vinaigre» du quartier typique des trois lanternes aux «fishballs» multicolores, la streetfood macanaise étonne.

Les moins aventureux se rabattent sur les eggs tarts de la pâtisserie Lord Stow, qui écoule 12 000 pièces par jour entre son échoppe de Coloane, attraction principale de la belle île de pêcheurs, et son shop au casino Venitian. Les touristes Chinois en raffolent et les ramènent sur le continent par cartons entiers. Les plus lusophiles dévorent beignets de morue et poissons grillés dans des restaurants familiaux (A Petisqueria, Fernando’s) ou plus corporate, comme le buffet du nouveau Tromba Rija de la Tour de Macao, où l’on peut récupérer ses esprits après un saut à l’élastique de 233 mètres.

Si les casinos macanais jouissent aujourd’hui de recettes six fois supérieures à celles de Vegas, c’est peut-être aussi du fait des bijoux gastronomiques qu’ils renferment. Au Grand Lisboa, on peut dépenser ses gains chez Joël Robuchon, ou déguster des raviolis et nouilles étoilées 24h / 24, pour une ­poignée de patacas, la monnaie locale. Au Wynn, on découvre la cuisine Tan, d’un raffinement extrême (les bouillons dorés nécessitent dix heures de travail), aujourd’hui presque disparue. Et terminer par une pâtisserie du chef maison, le français Yoann Mathy.

Ici, plus de 97 % de la population travaille dans le service, et tout le monde s’est déjà croisé soit dans un grand hôtel, un restaurant étoilé ou un casino; on peut même tester les futurs chefs de rangs au restaurant de l’école du Tourisme. Mais en tant que visiteur, vous avez le choix : plutôt Indiana Jones (le Temple Maudit) tourné dans les rues du quartier rouge, ou James Bond (Sky Fall) dans les hôtels de luxe?

ADRESSES

Golden flower Ce restaurant deux étoiles fait revivre la cuisine Tan autrefois réservée aux aristocrates. Thé signature, bouillon renommé, abalone (crustacé) ou desserts à la pâte de haricots, tout y est d'un raffinement extrême.

Rez-de-chaussée du Wynn Macau, rua Cidade de Sintra.

Grand Lisboa Le plus impressionnant des casinos de Monsieur Ho, en forme de Lotus, est bel et bien chinois. Tout est jade et diamant, et même le divin restaurant de noodles et dumplings du premier étage est étoilé. Commandez du thé, le service est spectaculaire.

Avenida de Lisboa.

A petisqueria Bienvenue au Portugal. Beignets de morue, poissons grillés, charcuterie, fromages, les seules exceptions macanaises sont la serradura, et la Macau beer.

15 rua de S. João.

The Rocks Pour fuir le luxe tapageur, ce charmant hôtel de Fisherman's Wharf, à la décoration mi-victorienne mi-coloniale offre des terrasses tranquilles sur la Pearl River et une vue sur le bal des ferries turbojets qui assurent la liaison avec Hongkong.

Fisherman's Wharf, Avenida do Dr. Francisco Vieira Machado.

Mercearia Portuguesa Boutique du quartier Saint-Lazare où l'on peut dénicher des produits portugais sélectionnés avec soin : céramiques de Caldas da Rainha et célèbres boîtes de conserve pour recréer le mélange sino-portugais typiquement macanais.

8, Calçada da Igreja de São Lázaro.

Lord Andrew Stow'Bakery Arrêt obligatoire pour déguster la tarte à l'œuf, variation de la pastel de nata fabriquées par milliers sous vos yeux.

1, Rua do Tassara, Coloane.

Retrouvez I Heart Chicago en kiosques et sur www.iheart-magazine.com , en attendant I Heart Hongkong le 3 avril.