Il fait souvent ciel bleu à Madrid, et là, on peut flâner, s’étendre, parcourir les différentes zones qui composent cette cité verte hérissée de grands arbres : celle des grandes avenues pour familles en patins, «pros» du skate ou cyclistes amateurs de vitesse. Plus à l’intérieur, autour du Palais de cristal et d’un coquet étang avec ses canards ou ses oies, l’environnement invite à l’intimité avec ses faux airs de jardin japonais ; en son centre, c’est l’«estanque», la grande étendue d’eau près de laquelle magiciens, marionnettistes, musiciens et autres cartomanciens attirent un vaste public composite de touristes, immigrants ou Madrilènes poussant un landau.
Au sortir du Retiro, de l'air plein les poumons, c'est l'heure de s'aventurer dans ce qui fait l'attraction fatale de la capitale espagnole : ses musées. Commençons par le Reina Sofia, un ancien hôpital du XVIIIe siècle devenu le temple madrilène de l'art moderne ou contemporain. Montons à l'étage vers l'aimant premier, le Guernica de Pablo Picasso, cette gigantesque toile annoncée par les dizaines de croquis ou dessins réalisés par le maître de Malaga avant de se lancer dans cette œuvre inspirée par le célèbre bombardement en terre basque. Ne pas oublier d'emprunter les passerelles métalliques amenant vers la partie nouvelle du musée réalisée par Jean Nouvel, où la bibliothèque, la librairie (une des meilleures de Madrid) et des salles futuristes sont comme prises en tenailles par les parois en matériaux composites de couleur rouge pointant vers le ciel.
Phare. L'odyssée muséistique se poursuit tout près de là, en remontant vers le nord. Tout d'abord le Caixa Forum, une ancienne centrale électrique reconvertie en un phare culturel sur quatre niveaux, avec expositions, conférences ou concerts à gogo ; le tout annoncé par un jardin vertical luxuriant dessiné par Patrick Blanc. Ensuite ? Suivre dans la même direction et tomber sur un autre poids lourd, le Thyssen, l'une des plus grandes collections privées du monde. Enfin, pour couronner ce marathon, il suffit de traverser cette même avenue du Prado pour rejoindre le musée éponyme. Comme au Reina Sofia, on balance entre le ying (le bâtiment historique Villanueva) et le yang (cet agrandissement audacieux peint en rose vénitien où un escalator mène au cloître des Jeronimos qui a été reconstruit pierre par pierre sur une hauteur).
A table ! Il est temps de souffler et de s'abandonner aux plaisirs des terrasses. On en trouve partout, sur la touristique plaza Santa-Ana, la très gay Vazquez-de-Mella (à Chueca) ou la multiethnique calle Sombrerete (Lavapies). On commence par demander une caña, cette bière pression qui tient dans un humble verre, si petite qu'elle invite à en commander une foultitude, servie avec des chips, des olives, du chorizo…
S’il fait froid (les mois d’hiver sont rigoureux), le mieux est de se hisser sur une de ces terrasses panoramiques à la mode, où des brûleurs permettent de supporter l’air vif, comme la Gaudemus (Lavapies), l’hôtel Victoria (Santa-Ana) ou l’hôtel Oscar (Vasquez-de-Mella).
Musiques. Cet art de la terrasse brouille les contours entre jour et nuit. Sans vous en rendre compte, l'obscurité est déjà tombée : vous êtes plus que jamais à Madrid, cité où la nuit est jouvence, légèreté, rires et périples sans fin. Au Populart, sur la calle Huertas, une salle de concert où on entre comme dans une auberge (espagnole), on palpe d'emblée cette appétence collective à se rassembler. Un groupe de jazz s'exécute sur la scène et ne semble jamais vouloir s'en aller. Idem un peu plus bas, à la Fidula, ou bien au Central, la Mecque du jazz madrilène.
La nuit ne fait que vous dessiner un sourire. On peut le lui rendre en se réfugiant dans le caveau de la Coquette sur Arenal, près de l’Opéra, où des groupes déclinent un blues allègre. Il est trois heures du matin. Pas question d’aller dormir : les «after» multiples vous tendent les bras, avant d’aller déguster à l’aube des churros au chocolat à San-Ginés, sur la Puerta del Sol. Vous n’avez pas dormi ? Qu’importe. Les autres non plus.