De retour d’un séjour de cinq semaines au Vietnam, la jeune femme expose actuellement les travaux qu’elle en a rapportés dans une galerie parisienne. Elle nous dévoile ici son parcours, son travail, sa méthode, ses souvenirs, ses projets…
«J’ai commencé en voyageant dans ma ville»
C'est sur les bancs de l'école que Marielle se découvre une vive attirance pour le carnet de voyage. Pour grand projet de diplôme qu'elle doit fournir dans le cadre de sa formation aux Arts Déco de Paris, elle choisit de traiter les «héberges» (ligne correspondant à la limite de mitoyenneté d'un mur commun à deux constructions de hauteur inégale ndlr). Elle s'exécute en arpentant les rues de Bruxelles, de Paris, puis Berlin… Avant de prendre le large. «Ce que j'aime dans le carnet de voyage, c'est le rapport avec les gens, l'immédiateté, l'instantanéité. Et puis travailler des espaces, des atmosphères…»
«Voyager oui, mais en solo»
Elle prend goût à l’aventure et prend l’habitude de partir seule, pour plus de liberté. Il y a deux ans, elle se laisse tenter par une amie photographe qui lui propose de l’accompagner dans les Balkans, où elle étudie le serbo-croate.
L'expérience se révèle finalement assez compliquée. Non pas qu'elles ne s'entendent pas, mais à deux il faut s'accorder sur le rythme, faire des compromis. «Le dessin prend parfois beaucoup de tempes et j'étais frustrée de ne pas pouvoir m'arrêter aussi souvent ou aussi longtemps que je l'aurais souhaité.»
«Au début c’était l’horreur»
En arrivant au Vietnam, elle est très déstabilisée, notamment par la rudesse du climat. Il faut dire qu'au mois d'avril, en pleine saison des pluies, la chaleur et l'humidité rendent l'air particulièrement irrespirable. Son avion atterrit à Hô-Chi-Minh-Ville, au sud du pays, métropole tentaculaire, assourdissante et polluée. Dans le taxi qui la conduit de l'aéroport au centre-ville, elle est horrifiée par la vision de chaos qui l'entoure. «Je me suis demandé si je n'allais pas faire demi-tour illico…»
Et ça ne va pas franchement s'arranger une fois sur place. La personne qui l'héberge a le quartier touristique en horreur, au point qu'il refuse même de l'y accompagner. Son logis est donc situé à l'écart du centre, dans un quartier typique où l'on ne parle pas un mot d'anglais. Elle l'admet volontiers: «Le choc des cultures a été très violent.»
«Le dessin a sauvé mon voyage»
Elle a eu quelques expériences délicates en tant qu'étrangère. A Dalat, un groupe de femmes la prend en grippe sans raison apparente. Mais lorsqu'elle se met à dessiner, leurs attitudes changent radicalement. A la terrasse de café où elle s'installe chaque matin, les gens s'approchent d'elle en silence, observent ses gestes, puis peu à peu l'abordent, la questionne. «A la fin je connaissais tout le monde».
Un jour, une partie de ses affaires, dont son ordinateur et appareil photo, disparaît mystérieusement de la chambre d’hôtel où elle loge. Désemparée, elle décide toutefois de ne pas se laisser faire et téléphone à quelques-uns de ses nouveaux amis. Un bel élan de solidarité se met en branle. Et deux jours plus tard, c’est le commissaire de police local en personne qui lui rapporte ses précieux biens, non sans organiser une petite cérémonie en son honneur.
«Dessiner c’est un sport»
Et avant tout une question de posture. Délibérément, elle ne se positionne jamais confortablement, par peur de se ralâcher et de rendre son dessin «tout mou». «Je dessine la plupart du temps debout, parfois plusieurs heures durant…» De fait c'est son corps qui détermine et lui dicte la fin du dessin. «Parfois la douleur liée à la tension me pousse à m'arrêter là.»
«Un visage c’est un tout»
Représenter un sujet vivant n'est pas une mince affaire. Marielle explique que le visage ne doit pas être pensé comme des éléments définis, et séparés. Chercher un regard oui, mais ne pas se dire: «il a des yeux, des oreilles», y voir plutôt une forme mouvante.
Un personnage, non seulement bouge et change d'expression, mais il arrive en plus qu'il parte, soit remplacé par un autre… Mais pour elle, la difficulté majeure, c'est de savoir s'arrêter à temps. Ne pas noircir le tableau de trop de traits, le charger inutilement. C'est une question d'alchimie. «En général, je sens qu'en allant plus loin j'en mettrai trop, et perdrai en l'essentiel. Je démarre rarement un dessin sans avoir une idée de sa construction, de ses limites. Je sais en général à quel niveau je décide qu'il s'arrête de chaque côté de mon papier. Quand j'arrive à trouver dans cette organisation un équilibre des masses et des blancs et trouvé comment guider l'œil du spectateur, je sais que je peux commencer à me poser la question d'arrêter le dessin.»
«L’encre, c’est galère en voyage.»
En principe, elle utilise l’encre de Chine, avec une plume d’écolier fine et rigide, avant de délayer avec un feutre pinceau, pour jouer sur les nuances de gris. Si cette technique a sa préférence, en voyage, elle se révèle complexe sur le plan logistique. Non seulement, il y a des risques de le renverser, mais en plus, c’est long à sécher, et ça tâche. Pour contourner le problème, elle a trouvé une parade: se servir de stylos noirs, de différentes épaisseurs et teintes…
Et puis elle se met à l'aquarelle, technique qu'elle a longtemps écartée «par peur de faire kitch». Elle l'utilise presque pure, pour un résultat proche de l'huile. Cet effet est d'ailleurs accentué par le climat (la peinture gagne en épaisseur sous les tropiques).
«Je ne travaillerai pas pour Charlie»
Elle est bien sûr extrêmement touchée par les événements du 7 janvier. Un mois plus tôt, elle était aux côtés de Cabu, qui était invité d’honneur alors au festival du carnet de voyage de Clermont-Ferrand.
En apprenant la nouvelle, elle se précipite sur ses pinceaux afin de témoigner sur papier son soutien aux victimes. Pourtant, alors qu'elle sait que le journal a cruellement besoin de dessinateurs, elle ne se porte pas candidate pour y collaborer. «Dans la caricature, je ne me sens pas légitime. Je n'en suis pas moins engagée mais mon style de dessin est très éloigné de la caricature de presse comme peuvent très bien le faire Thibault Soulcié ou Catherine Meurisse.»
Informations pratiques
L’exposition durera jusqu’au 18 avril 2015 Au Quai - 15, rue Alibert 75010 Paris
Ouvert du mardi au samedi de 17h à 22h et le dimanche de 11h à 14h, de 17h30 à 21h.
Une sélection de ses illustrations assortie de textes est à découvrir dans le numéro 19 de la revue Bout du Monde www.revue-boutsdumonde.com
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