Une fois la Manche traversée, on renonce aux évidences. On laisse tomber les Hyde Park, Kensington Garden ou Hampstead Heath, trop vus, trop manucurés. On évite les Oxford Street et Picadilly Circus, trop bruyants, trop anonymes. Et l’on décide, pour ce week-end printanier, de se diriger plein sud-ouest vers le coquet Richmond-upon-Thames. On y va pour découvrir un autre Londres, bucolique et apaisé. Pour respirer, prendre son temps. On y va pour Richmond Park, l’un des huit parcs royaux de la capitale, unique, magique. Souligné par la vallée de la Tamise, il est, avec plus de 1 000 hectares de superficie, le plus vaste de tous les parcs de la capitale, l’un des plus anciens (il a été fondé en 1627) et le plus sauvage aussi.
Nature. Six cents daims et cerfs (photo ci-dessus) se disputent ce territoire avec des centaines de perruches, d'écureuils et d'arbres dont certains ont plus de sept siècles. Et toute cette faune et flore regarde d'un œil morne les promeneurs fascinés qui s'approchent à les toucher. Il faut, si on arrive en fin d'après-midi, déambuler sur la longue promenade qui longe le fleuve et mène au cœur de Richmond. D'un côté, des pentes arborées et percées de buissons fleuris, de l'autre, le fleuve, ses cygnes, ses canards. On peut y louer vélos, barques ou canoës. La promenade ne saurait éviter la pause incontournable d'une bonne pinte dans un pub. Justement, au pied de l'eau, juste après Richmond Bridge, le plus ancien pont de Londres, construit entre 1771 et 1774, se dresse le White Cross, avec sa façade blanche et son tableau noir qui donne, chaque jour, les horaires des marées et leur hauteur. Parce que la Tamise, ici à moins de 60 kilomètres de la mer du Nord, subit des marées, importantes parfois. Ce qui entraîne souvent des situations cocasses, comme d'enfiler sa bière debout sur un banc alors que des vaguelettes viennent chatouiller l'entrée du pub.
Pour dormir, on s’installe dans un de ces délicieux boutiques-hôtels le long de la Tamise, comme le Bingham et sa coquette terrasse, à Richmond-upon-Thames. Mick Jagger habite dans le coin. On peut aussi opter pour le Petersham Hotel, moins intime, plus majestueux, mais doté d’une vue plongeante sur la vallée de la Tamise.
«Green». Le lendemain matin, après un solide english breakfast, on arpente les ruelles du vieux Richmond, semées de petites boutiques indépendantes. On jette un œil curieux sur le «green», cet espace vert obligé dans le centre de tout village anglais, où s'ébattent, dès les premiers jours du printemps, des joueurs de cricket en tenue blanche immaculée.
La pause déjeuner sera résolument bucolique. Petersham Nurseries est un endroit hors du temps. On y vend des plantes et des fleurs, mais on y vient aussi pour rêver, à l’ombre d’une des nombreuses tonnelles, accompagné d’une tasse de thé et d’une tranche de gâteau maison à la carotte.
En sortant, on regarde incrédule les vaches qui paissent dans le champ juste au bord de l’eau. On est toujours à Londres. La balade dans Richmond Park peut durer des heures. Pas de chemins tracés, on se perd dans les bosquets, on contourne les troupeaux de daims, on déambule dans les labyrinthes de rhododendrons, flamboyants de couleurs au printemps.
Un afternoon tea s'impose. Le manoir Pembroke Lodge, dans le parc, est tout indiqué. On s'y régale de scones à la confiture de fraises en admirant la vallée de la Tamise. Et, depuis le King Henry VIII Mound, le point culminant du parc, on plonge le regard dans une trouée dans les bois qui offre en ligne directe la vision extraordinaire de la cathédrale Saint-Paul, chef-d'œuvre du XVIIIe siècle de Christopher Wren. Elle est à 12 kilomètres de là.
Style Tudor. Le lendemain, on peut se rendre en bateau à Hampton Court Palace, magnifique château royal de Henry VIII, construit au début du XVIe siècle. Le palais offre deux architectures contrastées, tudor et baroque, unifiées par une brique rose. Et les jardins y sont sublimes.
On pourra conclure son séjour dans un des nombreux pubs au bord de la Tamise. Certains y proposent des traditionnels fish and chips, d'autres, plus aventureux, offrent des plats thaïs par exemple, qu'on arrosera tout de même d'une bonne ale. On est bien.