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Libération
Italie

Rome, Urbi et péri-urbi

Il reste à peine huit mois pour visiter Rome. Après, ce sera trop tard...
La fontaine de Trevi. (ZeroOne / Flickr)
par Eric Jozsef, Rome, de notre correspondant
publié le 26 mars 2015 à 20h36

Pour fêter le deuxième anniversaire de son pontificat, le 13 mars, François a en effet décrété, sans en avertir au préalable les autorités, un «jubilé extraordinaire» au nom de la «miséricorde» en concomitance avec le cinquantième anniversaire de la fin du concile Vatican II. Le précédent jubilé, celui de l’an 2000, avait drainé dans la cité éternelle plus de 30 millions de pèlerins. Cette fois, la marée de fidèles devrait être, à partir du 8 décembre (jour de l’immaculée conception) et jusqu’à fin novembre 2016, encore plus apocalyptique…

Cimetière. Alors dépêchons-nous, et pour tous ceux qui ont déjà pratiqué les indémodables (Capitole, fontaine de Trévi, Colisée…), c'est l'occasion d'emprunter d'autres chemins urbi et péri-urbi. En forme de rébellion, un pèlerinage au paisible cimetière acattolico peut être une première étape. A l'ombre de la pyramide blanche de Caïus Cestius, ce petit Père Lachaise romain a accueilli depuis des siècles les dépouilles des suicidés ou des défunts de rite non catholique parmi lesquelles celles de poètes Keats et Shelley, de l'écrivain Carlo Emilio Gadda ou du philosophe marxiste Antonio Gramsci. De là, pousser jusqu'au Testaccio, tout proche, l'un des quartiers populaires de Rome, beaucoup moins séduisant que le Trastevere mais resté authentique. Et qui a l'avantage d'abriter, avec le quartier Ostiense adjacent, d'anciennes structures industrielles reconverties en lieux culturels. Les amateurs de bonne chère ne manqueront pas de faire un tour chez Perilli, la trattoria spécialisée dans la cuisine romaine, pour y goûter la carbonara et la «pajata», les plats à base d'abats, la salade de «puntarelle» et les artichauts locaux.

Quant aux noctambules, outre un tour dans le quartier hyperbranché du Pigneto (à quelques kilomètres de la gare Termini), ils pourront engranger les décibels dans un environnement incongru : la plupart des boîtes du Testaccio sont creusées dans la colline.

Pour retrouver le calme, monter jusqu'au vieux centre de la Garbatella. Dans son Journal intime, Nanni Moretti confiait au guidon de sa Vespa : «Le quartier que je préfère, c'est la Garbatella. Je m'y promène au milieu des maisons populaires.» C'est l'un des endroits les plus agréables de la Rome moderne. Sorte de cité-jardin fondée au début du XXsiècle et agrandie sous le fascisme, la Garbatella a longtemps traîné une mauvaise réputation de quartier des voyous et des «rouges». Mussolini y reléguait les subversifs. Les cours où l'on discute à la nuit tombée, les petites maisons organisées en lots et protégées par les magnolias, les escaliers et les rues ondulantes n'ont pas vraiment d'équivalent à Rome.

Baroque. Si toutefois vous ne souhaitez pas vous éloigner du centre historique, faites un tour au vieux ghetto juif ne serait-ce que pour savourer les pâtisseries de Boccione, une échoppe désuète tenue depuis des décennies par une famille de mégères. Et si le parfum de l'encens continue de vous titiller, alors optez pour la splendeur du baroque. En commençant par l'indépassable église Santa-Maria-della-Vittoria avec sa chapelle du Bernin consacrée à Thérèse d'Avila. Transpercée par la lance d'un chérubin, la sainte femme en extase susurre dans une pulsion érotique : «Je voyais donc l'ange qui tenait à la main un long dard en or, dont l'extrémité en fer portait, je crois, un peu de feu.»

Poursuivez sur la via del Quirinale pour contempler l’admirable église San-Carlo-alle-Quattro-Fontane du tourmenté Borromini. Redescendez au bout de la rue dans le cœur de la ville (non sans avoir fait une étape à la galerie des Ecuries du Quirinale, qui accueillent jusqu’au 21 juin une rétrospective Matisse) pour rejoindre la théâtrale piazza Sant’Ignazio. Au plafond de l’église se dévoile l’un des plus époustouflants trompe-l’œil de l’histoire de l’art.

Enfin, pour retrouver calme et sérénité, rien de mieux qu’un «amaro» au suranné mais spectaculaire bar de l’hôtel Plaza.