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Libération
Asie

Hongkong, en mode contrastée

L’influence du style britannique alliée à la force productive chinoise, font de cette métropole l’une des plus prometteuses en matière de mode. Immersion avec des jeunes créateurs de la ville.
Le bar à cocktails du Ping Pong. (Charlotte Robin)
par Texte Elsa Puangsudrac et Eléonore Klar / Photos Charlotte Robin
publié le 15 avril 2015 à 9h56
(mis à jour le 15 avril 2015 à 9h57)

Loin des centres commerciaux sans âme de Causeway Bay et de leurs boutiques de luxe ultra-climatisées, le Hawker Bazaar, marché de tissu traditionnel hongkongais, dévoile un versant typique – et moins tapageur – de la mode asiatique. Créé il y a quarante ans dans le quartier de Sham Shui Po, quand l’industrie du textile de l’ancienne colonie britannique était à son apogée, il est aujourd’hui le rendez-vous des artisans, étudiants et créateurs de mode, tels que Rex Lo et Elly Cheng de Somewhere Nowhere, la jeune marque à l’esthétique kawaï et cotonneuse, débarquée récemment de Londres.

Un retour aux sources révélateur d’une tendance de fond : l’Occident et ses capitales historiques de la mode ne sont plus objets de culte. Si les écoles de design ­londoniennes et parisiennes jouissent ­toujours d’une forte aura, rien ne semble retenir les jeunes créateurs hongkongais de prendre leur billet retour, une fois leur diplôme en poche. C’est le cas des fondateurs de Ground Zero et Jourden, labels prometteurs de Hongkong.

Si certains pays subissent une fuite de cerveaux, la ville semble avoir tissé des liens solides avec ses expatriés de la mode. Les raisons sont essentiellement pratiques : compréhension de la langue, contraction des distances entre lieux de création et de production et, on l’imagine aisément, une main-d’œuvre à moindre coût.

Autre cause, plus intrinsèque : le rythme effréné de l’ancienne colonie anglaise, dont le noyau, Central, est le quartier où se prend le pouls tachycardique de la ville. La créatrice de Jourden, Anais Mak, récemment nommée pour le prix LVMH, confirme : « J’ai l’habitude de travailler très vite. À Hongkong, tout est fait dans la minute, la cadence est cent fois plus rapide qu’à Paris. » Un emballement stimulant, mais qui lui fait ­d’autant plus apprécier la valeur de certains lieux de confection qui ont su rester en retrait, comme Melbourne Plaza, bâtiment des années 70 abritant des tailleurs traditionnels où la clientèle s’approvisionne en robes et costumes faits main.

Un contraste qui s’exprime dans ­certaines marques qui privilégient la mise en valeur de l’histoire et la culture chinoise. Tandis que les créateurs de Somewhere Nowhere s’inspirent directement de l’architecture des zones pavillonnaires aux tons pastel, d’autres griffes remontent quelques siècles en arrière pour révéler l’esthétique des grandes dynasties chinoises. Dynasti, justement, autre jeune marque créée par Koleman Chan et Zhang Bing, cache sous son style très nineties des références aux coiffes des empereurs, sans parler du kuji kiri, mantra magique tiré de la pensée taoïste qui est devenu leur slogan. Les deux jeunes vont plus loin en ne choisissant que des modèles ­chinois pour leurs campagnes, une forme de beauté « pas suffisamment reconnue dans leur pays » selon eux.

Place alors au paradoxe singulier qui s’opère : en mettant en avant ses racines, Dynasti attire beaucoup moins les Hongkongais que les consommateurs européens ou australiens. Un constat qui se conjugue avec la nécessité de se faire connaître à l’étranger pour percer dans son propre pays. Pour sa part, Jourden refuse encore de participer à la fashion week locale, préférant les showrooms de Londres et Paris pour se faire repérer par… les clients hongkongais. La mode expatriée n’est pas encore terminée.

Les créateurs de la marque Dynasti, Koleman Chan et Zhang Bing.

Adresses

Mido Cafe Sûrement l'un des plus anciens cafés de Hongkong, où l'on peut, dans un décor suranné, déguster le meilleur thé au lait pour faire passer son bao (sandwich).

63 Temple Street, Kowloon.

Ping Pong Gintoneria Un quartier tradi en pleine gentrification (Sai Ying Pun), concept original et décoration qui mélange néons et esprit brocante : l'Espagnol Juan, gérant de Ping Pong 129, propose cocktails et autres breuvages de sa confection.

129 Second Street, Sai Ying Pun.

Man Mo Cafe Au milieu des antiquaires, ce petit restaurant imaginé par le Suisse Nicolas, sert des dim sum contemporains qui mélangent Orient et Occident: raviolis à la ratatouille, xiao long bao au foie gras. Le must : la boule de sésame au Nutella.

40 Upper Lascar Row, Sheung Wan.

Mrs Pound Il faut trouver le poussoir au milieu d'une vitrine de tampons encreurs chinois pour que s'ouvre le passage secret vers ce petit bar à la mode, qui sert sans distinction cocktails, poutine ou tiger prawns à l'ail.

6 Pound Ln, Sheung Wan.

Racks Bien caché au deuxième étage d'un bâtiment de Central, ce bar crache pourtant son lot de décibels chaque soir. Chinois lookés hip-hop, joueurs de billard et occasionnellement stars, se retrouvent jusqu'à 2 heures dans ce bar enfumé, au sol aussi collant que ses beats.

2F, Winning Centre, M88, 46-48 Wyndham Street, Central.

Spring Workshop Une galerie d'art avant-gardiste sise dans le quartier hier industriel d'Aberdeen, à suivre de près.

3/F Remex Centre, 42 Wong Chuk Hang Road, Aberdeen.

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