Durant huit mois, les visiteurs de la Cité de la Mer de Cherbourg (parc scientifique dédié à l’exploration sous-marine et à la découverte des grandes profondeurs), pourront découvrir près d’une quarantaine d’objets -équipement du navire ou effets personnels- remontés de l’épave centenaire. Rencontre avec le commissariat de l’exposition pour une présentation en coulisses.
Dès l’annonce de la catastrophe, des projets pour renflouer le navire voient le jour. Plusieurs familles souhaitant récupérer les dépouilles de leurs proches, il est envisagé de dynamiter l’épave afin de permettre aux corps de remonter à la surface. Cependant, la procédure s’avère trop coûteuse.
D’autres options plus ou moins fantaisistes sont échafaudées, mais les premières recherches sérieuses ne débutent qu’à la fin des années 1970, sous la houlette du milliardaire Jack Grimm. Sans succès. Historiens et chercheurs commencent à se demander si la position donnée par l’équipage lors du naufrage est exacte ou si l’épave aurait pu être détruite par le séisme sous-marin de 1929.
Elle est finalement localisée le 1er septembre 1985, à quelques kilomètres du lieu où le navire avait sombré, 73 ans plus tôt. Cette découverte résulte d'une expédition financée par la marine américaine. Ne disposant pas de la technologie nécessaire pour retrouver deux de ses sous-marins nucléaires, elle s'associe à l'océanographe de renom Robert Ballard, qui suit la trace du Titanic depuis de nombreuses années mais manque de fonds. Un partenariat est également scellé avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), dirigé par Jean-Louis Michel.
Les recherches débutent au moins de juillet. Les deux hommes, avec l'aide du submersible Argo, capable de filmer les fonds marins à de grandes profondeurs, vont tenter de repérer d'éventuels débris signalant la présence de l'épave. Bientôt se profile sur leurs écrans l'image d'une chaudière. Jean-Louis Michel se souvient: «Sans aucun doute, c'était bien le site où gisait le Titanic.»
Le paquebot a sombré dans un canyon sablonneux en pente douce. Ayant atterri à une vitesse de 30 nœuds à 3800 mètres sous la surface de la mer, il a tracé sur le fond marin un profond sillon, avant de s’enfoncer 11 mètres sous les sédiments. Le champ de débris est ainsi très étendu -600 hectares — un éparpillement qui s’explique en partie par la convergence sur le site de deux forts courants marins, Gulfstream et Labrador.
Expéditions en série
La première exploration de l'épave est menée par Ballard l'été suivant. Il photographie le navire dans les moindres détails mais, considérant l'épave comme un tombeau, refuse d'en remonter des objets, et fait simplement déposer une plaque commémorative sur la proue et la poupe, en hommage aux victimes.
À partir de 1987, la RMS Titanic Inc. de l’américain George Tulloch finance de nouvelles expéditions. Non sans créer de vives polémiques –certains qualifiant les remontées de pillages– le sous-marin français Nautile et son robot d’intervention Robin vont prélever, entre 1987 et 1998, près de 6000 objets.
Paul-Henri Nargeolet est alors à la tête des opérations. Spécialiste des interventions sous-marines profondes, il est à ce jour le plus grand spécialiste de l'épave, fort des 30 explorations qu'il y a effectué. Il garde un souvenir ému de sa première plongée: «Nous étions trois dans le sous-marin et nous sommes restés sans voix pendant 10 minutes».
S’amorce un travail «titanesque»: les objets remontés sont restaurés par des professionnels qui tentent de leur rendre leur apparence d’antan. Bien que remarquablement conservés car le phénomène de corrosion est ralenti en raison de la rareté de l’oxygene et de l’absence de lumière, les pièces sont fragilisées par leurs séjours prolongé dans l’eau salée.
La RMS Titanic Inc., propriétaire de ces objets, n’obtient le droit de ne revendre aux particuliers que les morceaux de charbons récupérés sur l’épave, afin de financer les expéditions suivantes. Les autres pièces ne peuvent être cédées qu’à des musées. Le business s’avère toutefois lucratif car l’exposition itinérante Titanic –de vrais objets de vraies histoires– a accueilli ces dix-huit dernières années plus de 25 millions de visiteurs, faisant de Premier Exhibitions, maison mère du groupe, le leader du marché des expos à l’échelle du monde.
Retour à Cherbourg
Cette fois pourtant, c'est à titre gracieux que l'entreprise a cédé à la ville de Cherbourg -où le mythique paquebot fit escale le 10 avril 1912- une partie de sa collection. Pour Samuel S. Weider, son président, «il s'agit de sensibiliser petits et grands aux histoires fascinantes des passagers et à l'importance historique et maritime du Titanic.»
Durant huit mois, les visiteurs de la Cité de la Mer pourront donc découvrir près d'une quarantaine d'objets - équipement du navire ou effets personnels, remontés de l'épave. Un témoignage sensible, illustrant le quotidien ou retraçant les trajectoires de ces passagers, insouciants fortunés ou simples émigrants en quête d'une vie meilleure.
Comme celle de Franz Pulbaum, ce jeune mécanicien allemand installé aux Etats-unis, spécialiste des parcs d’attractions. De passage à Paris pour l’installation d’un manège au Luna Park, il s’apprêtait à regagner son domicile new-yorkais et disparut dans le naufrage… Son bagage a été remonté lors d’une plongée en 1993, en parfait état de conservation. Il contenait notamment une paire de chaussettes en soie, un pot de dentifrice, des lames de rasoir…
L’installation offre également une place de choix au mobilier de table. Il faut dire que la vaisselle, emblématique d’un certain d’un art de vivre à l’européenne, revêt à cette Belle Époque une importance toute particulière. Ainsi, la première classe se voit servir dans des assiette de porcelaine dorées à l’or fin, tandis qu’en troisième classe on se désaltère dans des tasses estampillée du logo de la White Star Line.
A découvrir à Cherbourg pour faire revivre le passé.
Jusqu'au 15 novembre 2015. A à la cité de la mer de Cherbourg. http://www.citedelamer.com