…Et puis à ma connaissance cette farce hexagonale n'a pas gagné la Thaïlande. «Songkran today!» m'éclaire un passant hilare qui n'a rien manqué de la scène. «Waterfest», précise-t-il désignant ma chemise dégoulinante. La fête de l'eau ? Kesako ?
Songkran, le nouvel an bouddhique, compte parmi les fêtes les plus populaires du royaume de Siam. Elle marque le début de l’année d’après le calendrier lunaire. Originellement mobiles, les célébrations ont, pour des raisons pratiques, désormais lieu à dates fixes, du 13 au 15 avril, période qui correspond aux jours les plus chauds de la saison sèche.
Elles entraînent un grand mouvement de déplacement annuel de population en Asie du Sud-Est: les gens retrouvent leurs familles et témoignent leur respect envers leurs aînés en leur versant un peu d’eau parfumée sur les mains. On arrose également les Bouddhas car la croyance séculaire veut que l’eau purifie et éloigne la malchance.
En marge des festivités familiales, une autre coutume tend à se généraliser. Ces jours-là, les rues des grandes villes se changent en vastes champs de bataille… Les munitions, bien sûr, ne sont autres que de l'eau. Tous, jeunes ou très vieux, chacun se tient en embuscade. Le but de ces «combattants»: tremper un maximum de victimes.
Pour cela, ils sont armés jusqu’aux dents: qui d’un pistolet à eau, qui d’un seau à ras bord. Certains se hissent dans des pick-up chargés de bidons remplis, dans lesquels ils puisent de quoi asperger les piétons, qui ne se gênent pas pour leur rendre la pareille. D’autres, notamment à Chiang Maï, pompent l’eau directement les canaux qui quadrillent le centre-ville.
Les plus pervers font fondre d’immenses blocs de glace pour un effet de surprise maximum. Les plus taquins mélangent l’eau à de la farine ou du talc coloré. Parfois même, ce sont les éléphants qui gagnent la partie - puisant l’eau à l’aide de leur trompe avant de la recracher sur les «ennemis» du camp opposé. Sous la direction de leurs cornacs, ils sont de redoutables adversaires.
Oubliez l’idée de rester au sec. Dans les grandes villes, il est quasiment impossible de se déplacer dans les rues sans se faire mouiller copieusement. Les tuk-tuks (tricycles motorisés thaïlandais servant généralement de taxi) ne sont pas épargnés. N’espérez pas bénéficier d’une quelconque clémence en les empruntant ces véhicules prisés des touristes. En fait, rien ne dissuadera les «assaillants», d’autant que les étrangers figurent parmi leurs cibles de choix.
S’équiper reste donc la meilleure des options. D’ailleurs vous n’aurez aucun mal à trouver du matériel. De nombreux vendeurs ambulants sillonnent les grandes artères et même les boutiques se mettent au diapason, proposant protection type «k-way», sacs étanches, ainsi qu’une gamme d’armes de défense – pistolets ou carabines à eau.
La guerre version H2O ne s’achève qu’a la nuit tombée. Une trêve de courte durée, pour mieux reprendre au lever du jour… Vous êtes prévenus !