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Libération
EXTRAITS EN AVANT-PREMIERE

Jours tranquilles à Tunis (7)

Arrivée à Tunis en août 2012 en provenance du Caire, la journaliste Stéphanie Wenger a retracé au quotidien une transition qui n’est pas de tout repos, entre rêves et attentats, espoirs et crispation, paradoxes et traditions.
par Stéphanie Wenger
publié le 23 septembre 2015 à 17h18

 Jour de vote

(23 novembre 2014)

Premier tour de l’élection présidentielle. Il vote à Menzel Temim, près de Nabeul, elle vote à Ettadhamen dans la banlieue ouest de Tunis. Il vote Moncef Marzouki, le président sortant, elle vote Béji Caïd Essebsi, dont le parti Nidaa Tounes est arrivé en tête aux législatives. Autant dire que chacun se tient à un bord de l’échiquier politique, pourtant ils vivent sous le même toit.

Il a voté tôt ce matin au Cap bon, puis ils ont fait la route -près de deux heures, même quand ça roule bien le dimanche- avec leurs deux petites filles pour que madame puisse voter. Il raconte cela, une petite dans les bras qui essaie d'attraper le micro d'une journaliste de radio, une autre qui lui tient la main et tente d'apercevoir ce que maman fait dans cette salle de classe : elle met le doigt dans la peinture et plie une grande feuille qu'elle met dans une boîte… il raconte ça avec beaucoup de mimiques pour décrire son périple, semble content de nous parler, nous montre qu'une de ses filles a les yeux bleus et parle de l'héritage d'un aïeul aux yeux verts. «Pourquoi voter Marzouki? Il n'a pas de sang sur les mains. Et c'est un homme du sud, ils sont forts dans le sud, même si je suis du nord. Mais pour moi c'est important que ma femme vote, même si elle n'est pas d'accord avec moi.» Effectivement la femme sort et quand on lui demande quel a été son choix, elle lance sans hésiter: «Béji!». Lui hausse les épaules et sourit, comme pour nous montrer que le plus important pour lui ait qu'ils aient voté tous les deux aujourd'hui pour la première fois pour un candidat de leur choix.

Je penserai souvent à eux au cours de la campagne qui va suivre quand les deux camps des candidats au deuxième tour s’affronteront avec une bonne dose de violence verbale, d’insulte et de mauvaise foi… et j’y trouverai du réconfort et de l’espoir.

5,3 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes. Béji Caïd Essebsi, 88 ans et leader de Nidaa Tounès est arrivé en tête suivi de Moncef Marzouki, le président sortant. Hamma Hammami, le leader de gauche, s'est hissé en troisième position avec 7,82 % des voix.

Béji Caïd Essebs a été élu président de la République à l'issue du second tour.

A paraître le 24 septembre chez Riveneuve Editions.