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Libération
week-end branché

A Budapest, bulles et bains pour faire la fête

Dans le quartier juif, bistrots et lieux alternatifs ont investi des maisons et jardins abandonnés. Sortie festive.
Budapest - Hungary, October. Youngsters attend a party in Corvin Teto ruin pub and disco, a former shopping mall of the 70's and 80's, in Budapest, Hungary on October 5, 2013 . (Photo by Akos Stiller (Akos Stiller)
publié le 27 septembre 2015 à 17h06
(mis à jour le 16 juin 2016 à 11h53)

Avec son château, son quartier baroque et son parc des statues communistes, Budapest est marquée par le poids de l'histoire. Mais c'est aussi une ville festive qui bamboche jusqu'à l'aube dans les romkert ou «bars de ruines». Ces cabarets qui ont investi les maisons et jardins abandonnés du quartier juif sont aujourd'hui les lieux phares de la nuit budapestoise. Virée nocturne.

Du passé, faisons table rase

Niché à l'intérieur d'une maison en ruine, construite en carré autour d'une cour de terre battue et de pavés, le Szimpla Kert est le plus culte des romkert. Lancé par une bande de copains qui avaient installé tables et lampions dans un jardin à peine débroussaillé, il s'y était lové comme un bernard-l'hermite dans une coquille vide et n'était pas prévu pour durer. Mais la crise financière a donné un coup d'arrêt à la spéculation immobilière et le bar éphémère, qui n'est pas un squat car il paie un loyer au propriétaire, est toujours là.

Passez le porche et vous voilà dans une cour couverte où lampadaires à franges, murs en trompe-l’œil, lampions et bicyclettes suspendues à un grillage au-dessus de votre tête composent un cadre farfelu. A l’étage, de petits salons meublés tendance récup des années 60 et 70, recouverts de graffiti colorés. On se croirait dans le magasin d’accessoires d’un film des Monty Python. On peut y bruncher, boire une bière pour à peine plus d’un euro ou acheter du fromage et du miel aux petits producteurs qui y posent leur étal le dimanche matin. Chaque soir, la fièvre monte : concerts electro, performances et films ; des événements gratuits la plupart du temps.

Autres lieux, autres cadres. Installé dans une ancienne école, le bar Iskola réjouira tous les cancres et tous les allergiques à la sonnerie de la fin de la récré. Ici, l’école est finie ! La cour s’est muée en bar, le préau en salle de concerts et la loge de la concierge en resto ; ses murs couverts de pages de livres scolaires.

Le romkert Gondozo («le gardien») a, lui, planté un décor champêtre de tables en bois et de plantes vertes dans un ancien foyer social.

A l’écoute du «fröccs» dans tous ses états

Mais venons-en à la question essentielle : qu'est-ce qu'on boit ? En cet automne estival, le breuvage le plus approprié est le fröccs. La sonorité du mot, qui se prononce «frrrreutche» en roulant les r, n'est pas sans évoquer le bruit du jet d'eau gazeuse dans un verre. De fait, c'est un frais mélange de vin (blanc, rosé ou rouge) avec de l'eau pétillante tirée d'un siphon. Même si vous réussissez à articuler ce mot, vous ne serez pas pour autant sorti de l'auberge. «Vous le voulez comment ?» demande immanquablement le barman. Car il en existe une variété quasi infinie. Le «petit fröccs» (1 dl de vin avec 1 dl d'eau), le «grand fröccs» (2 dl/1 dl), le hosszulépés («le grand pas», 1 dl/2 dl), le hazmester («le concierge», 3 dl/2 dl), le polgarmester («le maire», 6 dl/4 dl), etc. Dans cette liste de noms farfelus, notre favori est assurément le bakteranyós («la belle-mère du chef de gare», 2,5 dl/2,5 dl).

Une spécialité juive au bacon

La ronde des romkert ouvre l'appétit. Direction un bistrot familial de la place Klauzal, au cœur du quartier juif, où monsieur Orbán (aucun lien de parenté avec le Premier ministre, Viktor Orbán) sert une savoureuse cuisine. Le restaurant s'appelle «Chez Kádár» (Kádár étkezde), du nom de l'ancien propriétaire (aucun lien de parenté avec János Kádár, le leader communiste qui dirigea la Hongrie pendant trente-deux ans). Nappes à carreaux rouges et siphons sur les tables, rien n'a bougé depuis des décennies. Au mur, des photos dédicacées de comédiens, dont Mastroianni, venu s'attabler ici lors d'un tournage à Budapest.

On y savoure du chou farci à la crème aigre, du poulet au paprika et des spécialités juives, notamment le sholet, casserole de haricots servie le jour de shabat. Mais ce sholet n'est pas très casher, car on l'accompagne aussi bien avec du bacon et du porc qu'avec de l'oie. Kádár est le temple de l'assimilation culinaire. Les assiettes sont gargantuesques mais l'on peut demander une demi-portion.

Cette sympathique cantine n'étant ouverte qu'à l'heure du déjeuner, le bistro Macesz est une bonne étape pour le soir. Décor sobre et sans chichis, l'essentiel est dans l'assiette. Délicieux sholet, magret de canard à la purée de petits pois, côtes d'agneau grillées avec sauce au houmous, et d'étonnants desserts comme la tarte au citron flanquée d'un sorbet… à la betterave.

Dans l’eau sous les étoiles

La soirée a été très (trop) festive et les premiers rayons de l'aube pointent à l'horizon alors que vous sortez du dernier romkert ? Au lieu de regagner votre hôtel, offrez-vous quelques bulles… d'eau thermale. Car Budapest est aussi un haut lieu du thermalisme. Ce double statut, suffisamment rare pour être souligné, surprendra les habitués de La Bourboule ou de Brides-les-Bains pour qui cure thermale rime avec ennui abyssal.

Les bains ouvrent dès 6 heures du matin et accueillent aussi bien les touristes que les curistes. Dans les thermes de l’hôtel Gellért, tapissés de mosaïques art nouveau aux tons bleutés, on alterne hammams et trempette avant de sortir dans le jardin où une piscine à vagues artificielles réjouit les nageurs. Budapest est également doté de plusieurs bains turcs, héritage de l’occupation ottomane. Le plus ancien est le Rudas, vieux de quatre siècles et encore coiffé d’une coupole couronnée du croissant turc. On s’immerge dans l’eau chaude d’un grand bassin octogonal, dont le toit voûté est serti de fragments de verre coloré laissant filtrer le jour, en regardant les rayons de lumière danser sur la vapeur d’eau. Magique.

Les thermes Lukacs datent, eux, de la fin du XIXe siècle. Après un plongeon dans l'une des deux piscines extérieures sur lesquelles veillent des platanes centenaires, on se détend dans les jacuzzis et bains chauds à remous.

Le week-end, à la belle étoile, certains thermes ouvrent en nocturne pour des soirées disco, vidéo et house. Ce sont les sparties, un combiné de «spa» et de «party». Ou l'art de mélanger toutes les facettes de la nuit hongroise.