Au cours de la sanglante guerre civile espagnole, entre 1936 et 1939, la bataille de Madrid a certainement été la plus féroce de toutes. Contrairement à ce qu’on croit souvent, la capitale espagnole - qui deviendra ensuite le siège de la dictature du général Franco jusqu’à sa mort en 1975 - a résisté plus que toute autre ville à l’assaut des forces franquistes. Rien d’étonnant donc, malgré le passage du temps et les évolutions urbanistiques, à ce que les traces de cette période traumatique demeurent présentes. Balade au gré de lieux emblématiques, d’est en ouest.
Commençons, par le plus grand des paradoxes, par l'un des endroits les plus romantiques de Madrid, le parc du Capricho. Il a été construit à la fin du XVIIIe siècle, imprégné des influences italienne et française, et il faut un gros effort d'imagination pour se dire que sous ses fontaines et ses pavillons, à environ 20 mètres sous terre, s'était réfugiée l'armée républicaine. Le tunnel, où se terrait le quartier général de l'«armée du Centre», n'est plus accessible, mais il est possible de visiter ses trois principaux accès.
Dirigeons-nous ensuite vers l’axe central de Madrid, l’avenue Castellana, pour s’arrêter devant le palais Marqués de Riscal. Géré aujourd’hui par une banque, l’édifice servait de centre de torture aux milices communistes qui prenaient leurs ordres à Moscou. La majorité des infortunés qui passaient par cet endroit étaient des prêtres, ou des bonnes sœurs. Ils étaient ensuite amenés à l’hippodrome et à la prairie de San Isidro pour y être tués.
A l’entrée nord-ouest de la ville, à côté de l’arc de la Victoire (construit par Franco dans les années 50), se dresse l’imposant quartier général des armées, en granit et en briques rouges. En se rendant dans la partie basse, on peut visiter les fondations de ce qui fut la prison Modelo. C’est là que, dès le début de la bataille de Madrid, les «rouges» libérèrent des centaines de prisonniers anarchistes et de droit commun.
A l'extrémité occidentale, non loin du «puente de los Franceses», dans le parc de l'Ouest, apparaissent trois fortins en béton armé qui, cette fois-ci, étaient aux mains des troupes franquistes. Depuis ces petites fortifications, les Nacionaleslançaient des offensives sur la prison Modelo, à une encablure. Entre les deux positions, se situait la ligne de front et les combats y étaient terribles.
Entre novembre 1936 et mars 1939, la casa de Campo était aussi le théâtre quotidien d'affrontements sans pitié. Aujourd'hui, ses 1 722 hectares forment une sorte de bois de Boulogne, avec promenades en barques, terrasses et d'innombrables pinèdes où affluent cyclistes et marcheurs. Depuis le télésiège, on monte jusqu'au cerro Garabitas, le point culminant du lieu (677 mètres), d'où les artilleurs franquistes bombardaient la ville. Tout autour, les tranchées ont été bien conservées.
Moins morbide, dans le centre de la ville, au cœur de ce parc du Retiro préservé, lui, de la fratricide guerre, le palais de Cristal vaut le détour. Entièrement en verre et en métal, cette structure classique que borde un petit étang empli de canards et de cygnes, permet une foultitude d’expositions inspirées : sculptures, assemblage de miroirs…
Autre vive recommandation, la visite d’un des musées préférés des Madrilènes, celui du peintre Joaquín Sorolla, place du Général-Martínez-Campos. Où l’on peut admirer ses toiles de bord de mer, symboles de l’hédonisme espagnol. Bien loin des fantômes de la guerre civile.