En juillet, Cecil a beaucoup fait parler de lui et du Zimbabwe. Ce lion à la crinière noire, vedette du parc national Hwange, a été abattu par un chasseur américain dans une réserve proche. Pour 55 000 dollars (46 000 euros). Une chasse aux trophées contestée, soumise à permis et encadrée par des quotas, qui permet de financer le développement local et la protection d’espèces sauvages, selon ses adeptes. Mais qui vient s’ajouter à d’autres menaces pour les grands mammifères du Zimbabwe. Le braconnage prospère sur le terreau de la pauvreté, stimulé par le trafic d’ivoire et une médecine chinoise meurtrière. Il met en péril les populations de rhinocéros noirs, d’éléphants et de lions. Pour certains acteurs de la préservation de l’environnement, le tourisme animalier peut sauver la faune sauvage.
Itinéraire sur les traces de quelques initiatives originales pour la protection des grands mammifères.
Bars à eau pour éléphants
Il faut imaginer un territoire presque deux fois plus vaste que la Corse, tapissé d'une savane herbeuse ou arbustive, poudré par le sable du Kalahari proche et brûlé par le soleil. A propos du parc Hwange, dans le nord-ouest du Zimbabwe, on évoque parfois une surpopulation d'éléphants. «C'est faux, tranche Mickaël Padiwa, guide accompagnateur d'un hébergement du parc. On estime leur présence à environ 45 000 individus, mais le comptage est délicat. Les éléphants se déplacent, certains migrent à plus de 100 km d'ici, vers le delta de l'Okavango au Botswana, ou vers la Namibie. Les points d'eau sont nombreux, c'est pour cela que l'on en voit beaucoup.» Les éléphants sont surtout victimes du braconnage. En octobre, une quarantaine de pachydermes étaient empoisonnés avec du cyanure mélangé à de l'eau. Dans les années 30, Ted Davison, le premier garde du parc, a l'ingénieuse idée de créer des points d'eau artificiels pour «sédentariser» la faune. Depuis, girafes, éléphants, lions, zèbres, buffles ou antilopes viennent se désaltérer dans l'une des 56 mares du parc, alimentées par des microstations de pompage. A raison d'une consommation de presque 200 litres d'eau par jour, les éléphants sont des piliers des bars à eau de la savane.
Des rhinocéros classés en danger critique d’extinction. Photo Patrick Escudero
Camp de toile et d’étoiles
C'est une atmosphère Out of Africa et un imaginaire nourri dès l'enfance par la magie du bestiaire africain, qui fait le succès des safaris animaliers. Les opérateurs de tourisme l'ont bien compris, en proposant de passer une nuit dans un parc comme le must d'un voyage. Discussion sous les étoiles dans des fauteuils de toileautour du feu, jeu de lumières des aurores sur la savane, rugissements des lions déchirant les ténèbres… On sommeille sous une tente ou dans un camp de toile, plus sophistiqué, souvent installé près d'un point d'eau. Au campement de Somalisa, dans le parc Hwange, les éléphants viennent s'abreuver dans un bassin devant une petite terrasse en bois où s'installent les visiteurs. En quelques heures, des dizaines de trompes vidangent la cuve avant de s'éloigner dans un silence impressionnant.
Sur la piste des rhinocéros
Dans le sud-ouest du pays, dans le décor brut et minéral du parc national Matopos, entre prairies et blocs de granit ocre, les touristes viennent observer les rhinocéros blancs du Sud, ainsi que les rhinocéros noirs. Classés en danger critique d’extinction sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), ils sont environ 4 880 individus dans le monde (chifre de décembre 2010). Les rhinocéros blancs du Sud, eux, sont considérés comme quasi menacés. Pour dissuader les braconniers, une ONG retire leurs cornes et le nombre d’individus du parc est tenu secret.
Norman Scott, guide blanc et svelte d'une soixantaine d'années, décrypte leurs empreintes et excréments. Du haut d'une colline, armé de ses jumelles, il balaye la savane : «Ce matin, les gardes du parc ont vu des rhinocéros dans la partie sud… Là, j'en vois deux. Suivez-moi, il faut faire vite.» On dégringole les rochers pour s'enfoncer dans le bush. Quinze minutes plus tard, une masse grise et luisante de deux tonnes apparaît derrière les herbes hautes, s'extirpant avec difficulté d'une mare. On s'approchera d'une dizaine de mètres. «Veuillez désactiver la fonction GPS de vos appareils photos», intime Norman. Les braconniers pistent aussi les rhinocéros sur Internet, en géolocalisant les mammifères grâce aux clichés postés sur les réseaux sociaux…
Lâchage de lions
Accompagnés par deux guides, Africa et Alika sortent de leur enclos et s’avancent avec assurance. Crispation des mains sur nos cannes en bois… Les lions âgés de 14 mois nous frôlent les jambes. A Antelope Park, un domaine privé au centre du Zimbabwe, on marche dans la savane aux côtés de jeunes fauves élevés en captivité. Habile chasseuse, Alika s’immobilise à la vue d’impalas. A l’affût dans l’herbe, elle rabat ses oreilles, incline la tête… mais n’attaquera pas les antilopes, trop éloignées.
Dans un camp de toile dans le parc national Hwange. Photo Franck Charton
Cette marche, ainsi qu'une activité d'hébergement, finance un programme de réintroduction du lion dans la nature. «Le lion africain est menacé, explique le directeur général du site, Gary Jones. La population d'aujourd'hui représente seulement 10 % de celle de 1975.» Au-delà du braconnage, c'est le conflit homme-animal qui menace le plus le fauve. Débuté il y a une dizaine d'années, le projet Alert (African Lion Rehabilitation and Release into the Wild) consiste à élever en captivité des lions et à sélectionner les meilleurs d'entre eux pour les faire se reproduire et vivre dans un espace isolé de 242 hectares. Cinq individus âgés de 4 et 5 ans, n'ayant jamais connu de contact humain, sont ainsi prêts à être introduits dans un parc national du nord du Zimbabwe après avoir appris à chasser avec leurs géniteurs. Le roi de la savane ne saurait s'incliner sans combattre.
Ce voyage a été réalisé avec l’aide de Nomade Aventure, Kenya Airways et l’Office de tourisme du Zimbabwe.
A fleur de faune
Y aller. Il n'existe pas de vol direct pour Harare depuis la France.
Vols entre 800€ et 1200€.
Avec un guide. Confidentielle et incluant des safaris guidés en 4x4, la destination est chère. Nomade Aventure propose 3 circuits en groupe accompagnés ainsi que des voyages surmesure, du simple campement au luxueux camp de toile. www.nomade-aventure.com/zimbabwe
A la bonne saison. Les saisons sont inversées par rapport à l'hémisphèreNord. Pour observer la faune, privilégier la saison sèche, d'avril à octobre. Températures très agréables compte tenu de l'altitude.