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Libération
Les chamans de Mongolie

«Je me suis mise à hurler comme un loup, j’avais une truffe, des pattes…»

Voyage en terres d'ethnologie avec le Quai Branlydossier
Inuits, Indiens, Pygmées, Aborigènes… Ils sont près de 370 millions à vivre en Amérique, en Amazonie ou en Australie. Menacés par la mondialisation, ils sont notre mémoire. Aujourd’hui, les chamans et le monde de l’invisible.
(Arne von Brill / Flickr)
publié le 1er juillet 2016 à 17h11
(mis à jour le 6 juillet 2016 à 14h57)

Corine Sombrun est ethnomusicologue et exploratrice. Lors d’un voyage en Mongolie, elle a vécu une expérience qui a bouleversé sa vie et ses recherches. Elle raconte.

«Pour moi, la transe a été ce qu’il y a de plus difficile à accepter, car je ne maîtrise plus rien. Je suis comme un pantin. Tout est plus subtil. Par exemple, le nez ne sent plus des odeurs, mais des dissonances. Donc il se met à renifler et une fois qu’il a perçu les dissonances, le corps va y répondre par des gestes et émettre des chants jusqu’alors inconnus. C’est infini. Et c’est tellement enrichissant parce que dans ces états-là, je suis ouverte à tout ce qui est autour de moi. Je n’existe plus. Je ne suis plus rien et je deviens tout.

»

«Dès que j'ai entendu les premiers sons du tambour - avec le chaman Balgir, en Mongolie -, je me suis mise à trembler puis à hurler comme un loup. J'avais vraiment l'impression d'être cet animal, d'avoir une truffe à la place du nez, d'avoir des pattes à la place des mains et le pire, c'est que je me rendais compte de cette transformation. Mais je n'étais plus Corine. Je n'avais plus aucun contrôle sur moi. […] Comme si mon cerveau s'ouvrait à des capacités inconnues, à une sorte d'hyperintelligence perspective. J'ai accédé à ce que les chamans appellent le monde des esprits. Alors on voit des personnages, on voit des animaux et on reçoit des informations. Et des réponses à nos questions pour vivre en harmonie avec son environnement.»

Pour comprendre ce qui s'est passé, Corine a décidé de renouveler son expérience en présence de scientifiques. Elle a subi des électroencéphalogrammes de son cerveau en état de transe. Lors de sa première séance dans le service du neuropsychiatre du professeur Pierre Flor-Henry, à l'hôpital d'Alberta au Canada, Corine Sombrun, équipée d'électrodes sur la tête, a ainsi démontré qu'elle «avait un cerveau sain, mais qui pouvait atteindre pendant la transe des états similaires à celui d'une psychose généralisée».