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Libération
Les Kallawayas de Bolivie

«Le guérisseur a déposé des herbes et des feuilles de coca sur le front du patient…»

Une saison à la montagnedossier
Inuits, Indiens, Pygmées, Aborigènes… Ils sont près de 370 millions à vivre en Amérique, en Amazonie ou en Australie. Menacés par la mondialisation, ils sont notre mémoire. Aujourd’hui, les savoirs des Kallawayas, en Bolivie.
(Krheesy / Flickr)
par Anne Pastor et David Rochier
publié le 15 juillet 2016 à 17h21
(mis à jour le 22 septembre 2016 à 12h58)

Les Kallawayas sont des guérisseurs boliviens nomades. Depuis le VIII

e

siècle, ils voyagent à pied à travers les Andes pour ramasser leurs plantes, enrichir leurs connaissances et transmettre leur savoir. En 2013, le documentariste Frédéric Cordier les a accompagnés:

«Nous sommes partis de Charazani et avons marché jusqu’à Cuzco au Pérou, parfois à 6 000 mètres d’altitude. Le plus âgé du groupe devait avoir 73 ans ; il avait un petit sac de feuilles de coca qui aide à supporter l’altitude et on avait du mal à le suivre… Le plus jeune avait 10 ans, avide de connaissance, il était insatiable. Je me souviens de ce jour où il a demandé à son grand-père de lui apprendre à lire dans les veines des patients. Pendant toute la suite du voyage, son grand-père lui expliquait comment le corps humain fonctionnait, quelle plante ramasser et, surtout, lui disait d’être patient : qu’il lui faudrait des années avant de maîtriser cette médecine… J’ai vu les jeunes du groupe se métamorphoser durant ce voyage. Souvent, ils avaient les yeux écarquillés quand le père et le grand-père se parlaient le soir en "machaj juyay" la langue secrète des Kallawayas. Sinon, les marches se faisaient dans le silence… Une sorte d’introspection. Ce fut 90 % de silence et 10 % d’échange…».

Un soir en pleine nuit, Frédéric Cordier a pu assister à «un susto», prodigué à un enfant atteint d'épilepsie. «Ce soin a duré toute la nuit jusqu'au petit matin. C'était très impressionnant : il y avait des incantations, de la fumée autour du patient, puis le guérisseur a déposé des herbes et des feuilles de coca sur le front du patient avant de sacrifier une poule… Le matin nous sommes repartis comme si de rien n'était jusqu'à Cuzco. Mais de retour au village cet enfant était transformé.» Frédéric Cordier est aujourd'hui convaincu que notre environnement peut nous soigner si on sait ouvrir son esprit, son cœur et prendre le temps. Le temps de savourer cette nature qui peut nous apporter beaucoup de sagesse, de quiétude et nous guérir…