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Libération
Les Mursis d’Ethiopie

«Les scarifications et les peintures sont une carte d’identité»

Voyage en terres d'ethnologie avec le Quai Branlydossier
Inuits, Indiens, Pygmées, Aborigènes… Ils sont près de 370 millions à vivre en Amérique, en Amazonie ou en Australie. Menacés par la mondialisation, ils sont notre mémoire. Aujourd'hui, les Mursis d’Ethiopie racontés par le photographe Pierre de Vallombreuse.
(Achilli Family | Journeys / Flickr)
publié le 29 juillet 2016 à 17h51
«A mon arrivée à Toun, une petite bourgade de la vallée de l’Omo, j’apprends qu’il y a une guerre entre les ethnies et que les Mursis ont le rôle d’attaquants, qu’ils pillent les villages pour donner à leur bétail un accès à l’eau… Il faut savoir que c’est un jeu de dominos : les Mursis avaient été eux-mêmes délogés par les Nyangatoms, une ethnie guerrière extrêmement puissante qui, grâce à l’extraction de l’or, avait pu acheter des lance-roquettes, des kalachnikovs… Et comme les Nyangatoms souffraient de sécheresse, ils s’étaient installés sur le territoire des Mursis. C’est habituel chez les peuples d’éleveurs de bétail. Et comme ces peuples sont des guerriers, on règle ça à coups de kalachnikov.»

Malgré les appels à la prudence, Pierre de Vallombreuse s'est donc rendu dans la zone du conflit. Il a traversé des villages désolés, incendiés par les Mursis, puis cheminé dans des paysages «de collines, de petites montagnes, de savane, là où les arbres sont très rares… C'est broussailleux, épineux à certains endroits, très caillouteux […]. Ce sont des espaces extrêmement arides. Puis tout d'un coup, au détour d'une colline, une plaine, une oasis magnifique» et… une colonne de deux ou trois cents Mursis armés de kalachnikovs. Finalement, Pierre de Vallombreuse arrive au premier village des Mursis et se rend à la rivière pour se baigner. Epuisé, transpirant, il lève la tête, voit arriver trois guerriers aussi surpris que lui… Ils se regardent un long moment, puis Pierre de Vallombreuse prend une photo de ces hommes en train de se couvrir le corps de peintures de guerre.

«Ce qui m’a le plus frappé, c’est la stature de ces corps extrêmement fins, et de ces muscles puissants, secs, totalement adaptés à leur vie de marcheurs, et je découvre que cet art de la décoration est un passeport: suivant les types de scarifications, de peintures ou de tatouages, on sait exactement à quel clan on appartient, quel est son statut social, si on est marié jeune ou pas… En deux mots : la carte d’identité. Et quand on se fait la guerre, c’est mieux de savoir à qui on a affaire !»