«Quand j’étais adolescent, j’ai toujours rêvé de découvrir une tribu inconnue. Mais ma rencontre avec les Penans, ce dernier peuple chasseur-cueilleur du monde, est presque due au hasard. En 1991, j’accompagnais un ami dans l’Etat de Sarawak à Bornéo, en Malaisie, et, dans un village reculé, j’ai fait la connaissance du chef du village.
Je me souviendrai toujours de son sourire: il avait des dents d’or. Ça brillait comme le soleil. J’ai d’abord voulu les aider à lutter contre la déforestation, mais je me suis vite rendu compte qu’en tant qu’étranger, je ne pouvais rien faire. En Malaisie, tous les médias sont contrôlés par le gouvernement, et il m’aurait rapidement interdit de séjour. J’avais cependant les moyens de les aider à préserver leur culture et leur langue grâce à ma formation de linguiste. Voilà comment je me suis retrouvé à écrire le premier dictionnaire penan de 150 000 mots et locutions. Le vocabulaire reflète la culture. Par exemple, tous les noms de plantes, d’animaux, d’esprits de la forêt, de tabous, n’existent plus et ne se transmettent plus, mais avec ce dictionnaire, on les retrouve grâce au travail de recherche que j’ai effectué auprès des anciens.
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D’ici 1 000 ans, même s’ils ont disparu, on pourra lire les mots et les mythes des Penans. Ce n’est jamais assez, mais ce dictionnaire laissera une trace. Pour les Penans et pour le monde.»
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