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Libération
Les Suruis d'Amazonie

«Les Suruis sont devenus les Indiens Google»

Voyage en terres d'ethnologie avec le Quai Branlydossier
Inuits, Indiens, Pygmées, Aborigènes… Ils sont près de 370 millions à vivre en Amérique, en Amazonie ou en Australie. Menacés par la mondialisation, ils sont notre mémoire. Aujourd’hui, le témoignage de l’écrivaine Corine Sombrun et sa rencontre avec le chef indien Almir Surui.
(Lorena Medeiros / Flickr)
par Anne Pastor et David Rochier
publié le 26 août 2016 à 18h01
(mis à jour le 8 septembre 2016 à 12h12)

«Le plus symbolique combat des Suruis s’est passé avec Google Earth. C’était en 2007, Almir Surui est menacé de mort, il a un contrat sur la tête de 100 000 dollars et il est évacué en Californie. Il a alors accès à des ordinateurs et au logiciel Google Earth et il va pointer là où il habite et, surprise, il est écrit "territoire inhabité". Alors il décide de rencontrer les gens de Google, déjà pour corriger cette erreur et, peut-être, pour qu’ils l’aident à lutter contre la déforestation.

«Almir Surui a compris que sur son territoire de 250 000 hectares, le plus gros problème est la déforestation clandestine. Comme les Suruis ne sont que 1 400, les compagnies en profitent, installent des scieries et leur volent le bois. Or, la forêt, c’est le supermarché, l’école, la pharmacie.

Crédit: Edimar Freires Ferrreira Xisedimar

«En Californie, Almir Surui obtient finalement un rendez-vous avec Rebecca Moore, la responsable de la branche humanitaire de Google Earth. Mais elle n'a que trente minutes à lui accorder. Mais une heure, deux heures passent et Rebecca Moore est tellement passionnée qu'elle va chercher les directeurs des autres départements, dont celui du département Google Earth. Almir lui dit : "Justement, je voulais vous dire deux mots à vous. Pourquoi, quand on pointe sur notre territoire, il est écrit territoire inhabité ?" Grand silence dans le bureau, le monsieur s'excuse et dit qu'il va réparer cette erreur. A la fin du rendez-vous, Rebecca Moore lui dit qu'elle va en plus les aider à les former en informatique et sur les satellites pour qu'ils puissent surveiller la déforestation et prouver au gouvernement brésilien l'impact de ces vols de bois sur la communauté.

«Depuis, quatorze scieries clandestines ont été fermées sur leur territoire. Tous les Suruis sont maintenant des Indiens connectés et, sur le plan international, ils sont devenus les Indiens Google. Aujourd’hui, Almir est aussi à l’aise avec un arc et des flèches qu’avec un ordinateur, un portable, YouTube ou Facebook.»