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Libération

Et si on allait à la neige ? La raquette du Graal

Extraits des "Chroniques décalées des sports d'hiver et de la vie en plein air, là-haut, dans nos montagnes ... " de Cédric Sapin-Defour écrivain, journaliste et alpiniste.
publié le 2 février 2017 à 17h46

Bizarrement, comme toutes les activités à deux pieds, on en parle au singulier. On va faire de la raquette comme on fait du ski de fond ou du patin à roulettes alors que, sauf prescription médicale, il est fait usage des deux pieds. Une exception : les claquettes, peu de personnes font de la claquette.

La raquette jouit d'un succès grandissant. C'est mérité. Les touristes veulent des vacances qui font sens, retour à la nature, authenticité, éloge de la lenteur. Ça tombe bien. Une fois vos raquettes louées (remarque : vous n'êtes pas tenus de chausser vos raquettes à l'immédiate sortie du magasin, marcher en raquettes sur le goudron est une des humiliations publiques les plus sévères qui soit, ne manquent que les plumes) au prix d'une paire de skis (les marchands aussi veulent donner un sens à leur activité, croissant si possible), il vous faudra trouver le terrain de jeu adapté à vos engins, ces champs de neige vierge à la Jack London. Sauf qu'en station, vous n'avez le choix qu'entre deux zones du cadastre : des pistes de ski où le raquettiste (c'est le joli nom donné aux pratiquants) a une espérance de vie d'environ 10 minutes, un quart d'heure pour les plus agiles, ou des champs de neige immaculée mais appartenant à des agriculteurs promus zadistes le temps d'un hiver, barbelés, chevrotine et mines antipersonnel, champs à l'intérieur desquels l'espérance de vie est équivalente. Vous voilà fort dépourvu. Heureusement les raquetteurs (c'est le joli nom donné à ceux qui pensent très fort aux raquettistes) ont pensé à vous et ont aménagé des sentiers pour raquettistes vous permettant de découvrir la wilderness en toute sécurité. Pour la modique somme de 16 euros le plan détaillé, vous pouvez batifoler en toute quiétude sur une sente tassée, dure comme du goudron où vous serez régulièrement doublé par des piétons à chaussures.