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Libération
Critique

Stefano Faravelli tient le bambou

Carnets de voyagedossier
Un carnet de voyage pour sublimer la nature de Madagascar.
(Photo TEFANO FARAVELLI.ELYTHIS)
publié le 15 décembre 2017 à 17h26
(mis à jour le 10 septembre 2018 à 10h48)

A peine a-t-on ouvert Madagascar, stupeur verte, que déjà l'on s'arrête. Sur la première double page, le dessin d'un ruisseau traversé de rais de lumière, entre mousses et pierres polies, au cœur d'une des forêts primaires de la grande île. On entend couler l'eau, bruisser le vent dans les feuilles, siffler des oiseaux invisibles… Le temps semble suspendu. Et de fait, rien n'a rien changé depuis des siècles dans ce sanctuaire végétal où seuls quelques zoologistes et botanistes sont autorisés à pénétrer.

C'est en tant que peintre-carnettiste d'une expédition scientifique que Stefano Faravelli a participé à cette aventure extraordinaire sous le manteau vert de la canopée. «Une expérience inoubliable, une de mes expériences les plus intenses, racontait-il il y a un mois au festival du Carnet de voyage de Clermont-Ferrand (1). Dessiner des animaux : c'est l'idée d'être en chasse, de devenir ma propre proie. C'est en dessinant que je deviens ce que je dessine. Comme le peintre taoïste, avant de peindre le bambou, je le deviens. C'est une chasse et une séduction.»

Plus de 150 pages de poésie décrivant une nature préservée ; qu'il s'agisse de planches détaillant avec minutie coquillages, batraciens et fleurs ; ou de textes sur la forêt, le travail de l'artiste, l'inspiration, accompagnés de photos ou croquis. Car pour Stefano Faravelli, «les textes doivent être au même niveau que l'image et l'objet». Un choix fait il y a quelques années après avoir découvert les carnets d'Eugène Delacroix. «Je me suis dit : "Je veux faire ça." Au début j'écrivais sur mes tableaux, puis j'ai découvert le côté narratif et la beauté de l'image ; c'est ça, l'art du carnet de voyage…»

Enfin, de grands dessins présentés en majesté peignent la forêt immense. Là-bas, «un homme se débarrasse de ses ans comme un serpent de sa peau, et à tout âge de sa vie il reste un enfant. Dans les forêts, c'est la jeunesse perpétuelle», écrivait au XIXe siècle le philosophe et poète américain Ralph Waldo Emerson cité dans l'ouvrage. En nous emmenant dans ce monde des premiers âges, nul doute que Stefano Faravelli a fait sienne cette réflexion.

(1) Stefano Faravelli y a obtenu le Grand Prix de la fondation d'entreprise Michelin.