Les sauvages sont-ils des hommes comme les autres ? Avec leurs mœurs étranges et leurs rites effrayants, ces hommes ont toujours nourri notre imaginaire. Au XIX
e
siècle, en Europe, les zoos humains font fureur dans les expositions coloniales. En France et en Belgique notamment, les indigènes sont exhibés derrière des grilles et les Pygmées sont de véritables stars. Ils vont assouvir ce fantasme de l’ailleurs et de l’autre. Une histoire ancienne, pas si sûr.
Aujourd’hui encore, le mythe du bon sauvage reste une réalité. Le tourisme ethnique est à la mode. Les Européens vont en Afrique ou ailleurs à la recherche d’exotisme, rencontrer ceux qui ont su rester au plus près de la nature.
Au pied de la chute de Lalobé à l'ouest du Cameroun, près d'une centaine de visiteurs viennent chaque jour admirer «ces mi-animaux mi-esprits qui vivent depuis des millénaires en symbiose avec la forêt. Ces derniers chasseurs-cueilleurs de la planète vous proposent de partager leur culture, leur mode de vie, et leurs danses…», peut-on lire sur les dépliants touristiques.
Mais la réalité est bien autre.
Les Pygmées s’offrent en spectacle pour quelques biscuits et quelques sachets d’alcool. Ils sont à la solde des Bantous, l’ethnie majoritaire qui gèrent ce business très lucratif.
Abina, du campement de Nani Kombi se confie lors de notre visite. «Ce qui est vrai, c'est que le peuple bagyelis n'est pas une attraction touristique. Quand moi je suis dans ce campement, ils sont tous belliqueux, parce qu'ils savent que j'ai fait des études et que je pourrai être votre guide. Quand vous prenez des guides de l'extérieur, ce sont des voyous, ils vont vous dire des énormités. Ils vont disent que nous ne savons ni lire, ni écrire, ni compter mais moi j'ai un bac A4 espagnol.».
Et d'ajouter sur leur relation avec les Bantous. «Nous avons toujours peur d'eux. Lorsque vous voulez vous rebeller, ils vous disent qu'ils vont vous chicoter, vous donner des coups de fouet […]. Nous sommes un peuple frustré. Alors quand les Blancs veulent des chansons, les Pygmées sont obligés de jouer par ce que le Bantou leur dit. Il faut aider le peuple bagyeli parce qu'ils sont sous une forme nouvelle d'esclavage… et sachez que quand les dons arrivent pour nous aider, le chef du village bantou garde tout […]. Grâce à vous, je peux enfin m'exprimer publiquement. Je veux remercie de votre visite.»
Au moment d'embarquer sur la pirogue, il ajoute ces quelques mots «quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finira toujours par paraître».
«Voyage en Terre Indigène» diffusé le vendredi à 17 heures sur France Inter et à réécouter sur www.franceinter.fr