Au Cameroun, la forêt primaire dans laquelle vivaient les Pygmées bakas ressemble de plus en plus à un gruyère entre la déforestation et l'exploitation minière. Mais c'est au nom de la conservation de l'environnement que les Pygmées ont aussi été exclus de leur forêt, dans le sud-est du Cameroun, à la frontière du Congo-Brazzaville. En 2006, avec la création de l'aire protégée, les Bakas ne peuvent plus chasser et pratiquer leurs activités traditionnelles au risque d'avoir à faire à l'ONG WWF qui, au Cameroun, travaille en étroite collaboration avec le gouvernement. Ce couple baka du village d'Assoumindélé se souvient encore de cette nuit du 11 mai 2016 où les écogardes du WWF ont débarqué chez eux. Paul Bado raconte : «En pleine nuit, on a entendu des gens cogner à notre porte. Après mon refus d'ouvrir, les écogardes l'ont défoncée. Puis ils ont empoigné mon épouse et l'ont traînée en dehors de la maison et se sont mis à la "bastonner". L'autre s'est jeté sur moi. Finalement, ils nous ont conduits au centre de Mbl'am, où ils nous ont jetés en cellule. Nous étions accusés d'être en possession d'éléphants.» Cet animal est menacé de disparition et interdit à la chasse. Mais il est le maître des animaux, lors des rituels bakas. C'est lui qui permet d'appeler l'esprit de la forêt. Ce couple assure qu'il n'était pas en possession de viande, ni de trophée. C'est pourquoi il ne comprend pas cette arrestation arbitraire et cette violation des droits de l'homme. Et d'ajouter : «Les écogardes nous reprochent d'être des chasseurs et tout simplement d'être le peuple de la forêt… Ils nous considèrent comme des sous-hommes, pire que des animaux à abattre.» Aujourd'hui, ce couple vit dans la peur. «Je ne veux plus voir un écogarde sur mon chemin, parce qu'ils nous ont laissés à demi-morts. J'ai arrêté de chasser, je pose juste des pièges pour avoir quelques gibiers, et ma femme se limite à la pêche.» Depuis, une plainte a été déposée auprès de l'OCDE par Survival International contre WWF. L'affaire est toujours en cours.
Voyage en terre indigène : «L’écogarde avait une machette flambant neuve et bastonnait mon épouse»
publié le 20 juillet 2018 à 18h36
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