Quelle vie après l’exil ? Ils ont choisi la France. Ils, ce sont les Berbères, les premiers peuples d’Afrique du Nord qui un jour ont quitté leur pays. Contraints à l’exil pour des raisons économiques ou politiques, chacun a sa façon de se reconstruire et de vivre loin de sa terre. Aujourd’hui ils sont plus d’un million de Kabyles et se définissent comme des Berbères français.
A Drancy, des femmes découvrent la liberté même si la nostalgie de l’exil est toujours présente. Nadia est arrivée en 2001, à 25 ans pour rejoindre son père arrivé en France dans les années 1960. C’est une nouvelle vague d’immigration : après la décennie noire des années 1990 en Algérie, beaucoup de familles des petits villages de Kabylie partent en exil.
Nadia a emporté avec elle ses souvenirs et son mode de vie, que l'on retrouve dans sa poésie. «Dès que j'écris un poème et que je le chante, je me sens bien. […] Parce que chez nous il n'y avait pas de psychologue, alors la femme quand elle ressentait une émotion, il fallait qu'elle chante. […] En fait je raconte ma souffrance dans mes poèmes. Le premier que j'ai écrit, j'avais je crois 16 ans. Je parle de ceux qui ont quitté leur pays et qui sont arrivés en France. Ils ont laissé leurs parents, leur famille, leur terre […]. Je raconte comment ils se sentent ici.»
Pourtant Nadia n'a pas été seule longtemps. Dans la cité Youri Gagarine de Drancy, elle a su recréer un vrai village Kabyle. La porte n'est jamais fermée et le «bled» ne leur manque pas. «Avec les voisines, on est tout le temps ensemble. Je les appelle et elles viennent toutes chez moi. C'est comme ma famille.»
En France, elles ont toutes découvert ce que signifie être femme, loin du patriarcat et d'un obscurantisme ambiant. «Là-bas, je n'avais pas le droit de sortir toute seule, pas même pour aller chez ma sœur qui habitait à dix mètres, il fallait que quelqu'un m'accompagne», explique Nadia. Retourner en Kabylie n'est pas le rêve de Nadia, c'est en France que son village se trouve maintenant. «On a créé notre Kabylie avec la liberté en plus.»
«Voyage en Terre Indigène» diffusé le vendredi à 17 heures sur France Inter et à réécouter sur www.franceinter.fr