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Documentaires

«La preuve qu’un film peut changer le monde»

Le festival du film d’aventure de La Rochelle s’est achevé le 18 novembre. Retour sur quelques belles surprises.
Image tirée de "Devenir qui j'étais" de Chang-yong Moon et Jin Jeon. (©Sonamu Films & Prosun)
publié le 27 novembre 2018 à 10h05

«La grande traversée des Alpes», de Benoît Aymon et Pierre-Antoine Hiroz (90 minutes, Suisse, 2018). Ce sont des gens comme vous et moi, surtout pas des sportifs aguerris. Un architecte qui a fait une chute gravissime dans les Drus, une femme médecin atteinte d'une faiblesse pulmonaire, un retraité de 87 ans qui peine à porter son sac lourd, un journaliste… et puis leur guide, François, attentif à ce petit monde, qui les emmène dans une grande traversée des Alpes.

On suit leurs traces avec une certaine empathie, on les voit souffler, peiner, douter et aussi s’étreindre lorsqu’ils atteignent un col ou un sommet. Au rythme de 20 kilomètres par jour et de plusieurs semaines de randonnée. Partis du Leman, ils finissent par atteindre Menton (dans les Alpes-Maritimes), après avoir vaincu leurs petites plaies et bosses, s’être baigné dans une eau à dix degrés, ronflé dans les refuges et contemplé des panoramas à couper le souffle. Une histoire attachante de dépassement de soi. C’est simplement cela, aussi, l’aventure aujourd’hui, à portée de chaussures et d’ampoules, de bâton de marche et de ténacité, quelque chose qui libère, enthousiasme et grandit.

Avec «L'école du ciel» (52 minutes, France 2018), Brian Mathé, Morgan Monchaud et Siphay Vera se lancent dans les airs, en parapente, après avoir marché pour atteindre des sommets. Ils suivent d'abord les conseils d'un pro, avant de se lancer dans une traversée des Pyrénées, depuis la Méditerranée jusqu'à l'Atlantique. Ils sont peu expérimentés, alors on tremble un peu pour eux, mais en fait, leur assiduité, le soin apporté à leur équipement, et pour tout dire leur modestie nous font découvrir de quelle façon on peut apprendre, aussi et surtout au contact des autres.

«Maewan et les fjords perdus», de Bertrand Delapierre (52 minutes, France 2018). Destination le sud de la Nouvelle-Zélande, où les fjords côtoient majestueusement une forêt primaire. Barré par Erwann le Lann, un montagnard, guide, grimpeur, alpiniste et BASE jumper. Erwann le dit dans un entretien à Pow («Protect our Winters»): «Gérer sa nutrition, regarder l'environnement, un nuage, faire attention, prévoir les choses, anticiper, ce sont des choses que l'on apprend quand on est en montagne. Tu peux aussi t'arrêter en montagne, et attendre que ça passe. En mer ce n'est pas toujours possible. Globalement c'est différent mais c'est pareil. Ce sont surtout les échelles de temps qui sont différentes. Mais dans les deux milieux il y a des feelings qu'il faut écouter».

Là, il embarque une équipe de base jumpers (ceux qui s'élancent de falaises dans le vide, équipés de wingsuits) navigateurs et un cameraman en quête de nouvelles falaises à sauter. Conditions extrêmes, nature préservée, et sensations intenses. «Pendant dix ans, j'ai parcouru les massifs du monde et effectué beaucoup d'escalade sur glace, raconte Erwan le Lann. J'en ai eu marre d'être posé dans un endroit sans le comprendre. On ne peut découvrir un lieu sans rien entendre aux climats. Voyager doucement, découvrir la planète en bateau, cela le permet également».

Enfin, sans doute la plus émouvante des histoires présentées à La Rochelle cette année, «Live Simply, kids for sea», de Nicolas Fabbri (52 minutes, 2018) et sa compagne Marion, accompagnés de Leo (7 ans), Gaspard (5 ans), Tanguy (3 ans) et Pauline (1 an) nous embarquent à bord d'un petit voilier de neuf mètres, à la rencontre d'espaces sauvages de l'Atlantique Nord. Le documentaire retrace ainsi quatre saisons d'été à travers les fjords et archipels norvégiens que les enfants racontent. C'est leur point de vue qu'on découvre, une forme d'émerveillement et de fraîcheur – leur pêche de plancton, leur tentative d'escalade lors des haltes, leurs baignades forcées, leur promiscuité dans la cabine… Nicolas Fabbri racontera ainsi comment, dans des conditions difficiles au retour, un des enfants l'a encouragé en lâchant : «quoi il ne reste plus que cent mille milles?».

Leur conclusion? Une «robinsonnade», cette aventure de quatre saisons. Nicolas Fabbri : «C'est un changement de vie entre le bateau et la maison. Ce n'est pas le même rythme. On revient à chaque fois la veille de la rentrée scolaire. On retrouve du confort à la maison, la douche, le lave-vaisselle, même si ce n'est pas très drôle de retrouver le boulot». Marion, la mère : «Quand on est sur l'eau ce n'est pas la même optique. On essaie de dépasser les difficultés. On est quand même en vacances, il y a des moments où on doit poser des limites et éduquer les enfants». Léo, 7 ans: «J'ai bien aimé la Norvège, il y a beaucoup de verdure et pas d'usines. Sortir de la maison pour aller voyager sur un petit bateau de neuf mètres, c'est bien. On a un drone pour filmer les beaux couchers de soleil, parfois on l'a crashé dans un arbre. Cette aventure vous a donné envie de continuer la voile».

Dans la salle un enfant interroge: «est-ce que vous vous êtes disputés»? Nicolas Fabbri: «C'est un sujet sensible. Je choisis les moments à terre on évacue le trop-plein d'énergie». Comment voyez-vous la suite? «Actuellement, le bateau est en vente, dit Nicolas Fabbri. Il va donc falloir trouver une autre embarcation. Ce sera sûrement dans le Nord, on est attirés par le Spitzberg. Mais il faut avoir autre chose qu'un bateau en plastique, avec un bateau plus autonome et plus solide». De toute évidence, l'aventure va continuer.

Palmarès du festival

Le Grand Prix de l'Aventure est décerné par le président Jean-Marc Barr a été décerné à «The Dawn Wall», un film réalisé par Josh Lowell et Peter Mortimer qui retrace la vie de l'incroyable grimpeur.

Le prix coup de cœur du Jury est décerné au film «Maman, c'est encore loin le désert» d'Aurélie Tazi et Charlène Gravet. «Force, sincérité et sobriété heureuse, c'est ce que nous avons retenu de ce film.»

Le prix spécial Environnement est décerné à «700 requins dans la nuit» de Luc Marescot. Une 1re mondiale ! Laurent Ballesta et son équipe partent plonger en Polynésie au sein d'une meute de requins pour mieux en étudier leur comportement. «La preuve qu'un film peut changer le monde et avoir un réel impact sur l'environnement et sur nous-même.»

Le prix spécial Montagne «L'esprit Club Alpin» est décerné à «The last honey Hunter» de Ben Knight et Renan Ozturk. «Un film de mémoire car le témoin douloureux de quelque chose qui disparaît», d'après les mots de Lionel Daudet.

Le prix du public Quai de l'Aventure est décerné au film «Les voies de la liberté», Un film de Mélusine Mallender et Christian Clot.

Le Grand Prix du Public est décerné au film d' Eliott Schonfeld, «Himalaya, la marche au dessus».

Le prix regard de collégiens: Les conseillers départementaux jeunes ont salué le travail, le dépassement de soi, le courage, les émotions et la conscience écologique des films du festival et ont choisi «The Dawn Wall» réalisé par Josh Lowell et Peter Mortimer qui retrace la vie de l'incroyable grimpeur.

Le Prix Ushuaïa TV est décerné à «Marcel, au sommet de son art» réalisé par Nicolas Falquet.

Le prix de l'Aventurière est décerné à Mélusine Mallender pour son film «Les voies de la liberté». Le jury féminin s'exprime: «Elle porte un message universel et interroge la liberté. Elle ne vit pas qu'une aventure mais vit l'Aventure».