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Libération
EN TERRE INDIGÈNE

Françoise Caillard, une femme kanak en colère

Voyage en terres d'ethnologie avec le Quai Branlydossier
Inuites, Indiennes, Kanaks, Peuls M’bororo... Longtemps ignorées, ces femmes témoignent d’une richesse unique. Un projet «La voix des Femmes Autochtones», porté par l’association Terre Indigène leur donne la parole.
(Delphine Mayeur)
publié le 28 novembre 2018 à 15h14
(mis à jour le 28 novembre 2018 à 15h14)

C’est à l’adolescence que Françoise Caillard a pris conscience de la discrimination des Kanak et particulièrement, des femmes kanak de Nouvelle-Calédonie. Ces dernières subissent huit fois plus d’agressions sexuelles qu’en métropole. Un record qui met Françoise en colère et anime son militantisme pour défendre la condition et le droit des femmes de sa communauté. Françoise est native de l’île de Maré, dans l’archipel des Loyauté, en Nouvelle-Calédonie. Elle bataille autant pour l’obtention de l’eau courante pour des familles vivant dans un squat que pour améliorer l’indemnisation, dans le statut coutumier, des femmes victimes de violences. Ce statut, elle ne le remet pas en cause, elle qui appartient au clan « Seriwo » et reste profondément attachée à son identité Kanak. Elle veut seulement

« que les femmes vivent mieux. »

Elle connaît les causes des violences faites aux femmes : la déstabilisation de la société traditionnelle kanak par la modernité, produisant des hommes sans statut qui transforment leur mal-être en agressions sur les femmes. Forte d'une vision éclairée de la situation, Françoise est «habitée par l'envie de vouloir changer le monde pour les femmes.» Ancienne employée de banque, elle fait d'ailleurs partie de la génération des femmes kanak qui ont suivi des études et travaillé.

La discrimination raciale a aussi nourri sa révolte. Elle se souvient de l’école délabrée qu’elle fréquentait petite alors que les jeunes européens inscrits dans la même institution qu’elle, jouissaient de bien meilleures infrastructures. L’image de sa mère vivant au bord d’un caniveau a aussi hanté son enfance et motivé sa lutte pour faire respecter les droits des femmes. L’éveil politique est venu dans la mouvance des années 1968, dans la vallée des Colons, à Nouméa.

Avec la jeunesse kanak, elle partage alors le sentiment qu’il est possible de vivre autrement. Depuis, Françoise Caillard transforme sa colère en actions. Présidente de l’Union des femmes citoyennes de Nouvelle-Calédonie, créée en 1999, elle a lutté pour la légalisation de l’avortement et l’instauration de la parité en politique. Elle sait toutefois que rien n’est jamais acquis. Dans ces moments, l’image du visage de sa mère lui donne la force de poursuivre son engagement pour la cause des femmes.