Les hivers trop doux ont, pour les stations de basse ou moyenne altitude, des conséquences souvent dramatiques. Si la plupart d’entre elles ont lourdement investi dans les «canons à neige», certaines, confrontées à la faillite totale de leur modèle économique, se sont décidées à renverser la perspective en renonçant totalement au ski de piste.
C'est le cas du col du Corbier, non loin de Morzine dans le Chablais (Haute-Savoie), petite station de ski de 1 800 lits, qui était à l'arrêt depuis 2012. Henri-Victor Tournier, maire de la commune du Biot, propriétaire du domaine, a pris le taureau par les cornes : il a démantelé toutes les remontées mécaniques, cinq téléskis et deux télésièges, en une seule opération. «Un vrai choc pour beaucoup de monde ici», reconnaît-il. En parallèle, «la commune a lancé un projet de reconversion pour revaloriser le site en montagne douce, ou montagne verte, avec des activités multi-saisonnalités, sans remontées mécaniques».
Nouveaux territoires. Son pari, soutenu par le département et la région, a été approuvé par les électeurs de la commune. Exit le ski de piste, et vive le ski de randonnée, la luge, le ski de fond et surtout le trail, le VTT ou la marche nordique, sports de plein air qui suscitent un engouement croissant. Un bar et un restaurant ont été aménagés dans les anciens locaux techniques de la station et tournent bien : la clientèle locale, venue notamment des villes de Thonon et Annemasse, toutes proches, répond présente et le prix des appartements de la station, qui s'était effondré, «a déjà été multiplié par trois», assure le maire.
Ce dernier a trouvé un puissant allié privé : le groupe Rossignol, équipementier français historique du ski alpin, qui mène tambour battant sa diversification vers le trail, le VTT - notamment à assistance électrique -, la marche nordique et le ski de randonnée. Confronté au déclin du ski, Rossignol a racheté des marques dédiées à ces activités : elles représentent déjà 30 % de son chiffre d’affaires. Le groupe s’est en parallèle doté d’un service baptisé Outdoor Experiences, qui développe et fédère des aménagements nouvelle génération aux quatre coins du pays : les «stations de trail», «stations de marche nordique», «espaces r-bikes» (sites consacrés au VTT) et «espaces ski de rando».
Il s'agit de parcours aménagés, balisés et dotés d'espaces d'accueil et de location de matériel, ainsi que d'une série de services, dont des applis mobile qui guident sur le terrain les pratiquants, ainsi que des sites internet communautaires nationaux propres à chacun des sports. «L'intérêt de cette démarche, pour nous, est de créer un lien privilégié, d'enrichir la relation entre les potentiels clients et nos marques», souligne Alison Lacroix, responsable d'Outdoor Experiences chez Rossignol (lire aussi page VI).
Quarante territoires ont déjà rejoint son réseau, avec une ou plusieurs des activités développées : «Nous les accompagnons, au cas par cas, selon leurs attentes, dans la structuration de leur destination sportive et la mobilisation de tous les acteurs locaux. Nous les intégrons ensuite dans notre réseau et notre plan de communication auprès d'une clientèle ciblée, afin d'attirer chez eux toute l'année des touristes sportifs et leurs accompagnants», précise Alison Lacroix. Le col du Corbier, première station alpine à s'être dotée, depuis le printemps dernier, de la totalité des équipements Outdoor Experiences, est ainsi promue comme la «première station multi-activités outdoor» du pays. «Il était essentiel pour nous d'avoir un nom, une marque forte. Et Rossignol, c'est un poids lourd», insiste Henri-Victor Tournier.
«Faire revivre un site». La station de Puigmal, dans les Pyrénées-Orientales, vient de rejoindre les rangs en devenant la deuxième du pays à être équipée de tous les aménagements et services Outdoor Experiences. La station, très endettée, était à l'arrêt depuis 2013. La communauté de communes Pyrénées-Cerdagne a renoncé, non sans douleur, au ski de piste, faute de repreneur privé et de fonds publics suffisants. Elle s'est elle aussi adjoint les services de Rossignol, via un appel à projets, pour créer «la première station multisports quatre saisons des Pyrénées», se félicite Georges Armengol, président de la communauté de communes : «Bien sûr, la rupture avec le ski est une blessure qui n'est pas encore cicatrisée, mais nous devons relever le défi du changement climatique et faire revivre un site que l'on croyait mort. Avec une station sans moteur, respectueuse de l'environnement, nous voulons capter une nouvelle clientèle sur le marché du tourisme sportif et irriguer tout le territoire.»
Du Puigmal au col du Corbier, ces pionniers sont en train d’ouvrir une nouvelle ère pour les stations de montagne.