Et si la terre et les océans avaient leur existence propre ? Et si, au bout du monde, la mer et le ciel se touchaient ? Telles sont les questions qui viennent à l’esprit lorsque l’on se prend à rêver, entre mer et fjords, en regardant notre navire glisser dans un décor bleu gris, de montagnes anthracite et de ciels infinis. Ici, dans l’archipel de la Terre de feu, 74 000 km² à l’extrême sud du continent sud-américain avec, comme point le plus austral, l’île du cap Horn, aucune trace d’homme. La nature est à l’état brut. Inchangée depuis des millénaires.
Il y a presque cinq cents ans, en novembre 1520, plus d'un an après son départ de Séville, le navigateur portugais Fernand de Magellan découvrait dans ces eaux glacées le passage vers le Pacifique, porte d'entrée vers les fameuses îles aux épices en Indonésie. Une découverte qui permit à l'un de ses navires, le bien nommé Victoria (victoire !), d'accomplir dans la foulée le premier tour du monde. Cinq siècles plus tard, le détroit qui porte son nom est toujours aussi impressionnant au cœur de cet archipel hostile et grandiose que l'on découvre en bateau, jusqu'au cap Horn. Un voyage étonnant, dans le temps et dans l'espace.
Ici, le continent sud-américain s'effrite en dentelles dans une mer intérieure de multiples canaux, à «l'abri» (ça dépend des jours) des cinquantièmes hurlants et à un jet de pierre de l'Antarctique glacé. On ne peut s'empêcher de frissonner en pensant à ces 200 marins intrépides emmenés par un capi