Combien de poireaux on peut planter, dans une vie de maraîcher ? Des milliers ? Des millions ? Les images en noir et blanc diffusées à la Ferme de Saint-Denis, l’un des derniers bastions du maraîchage en Seine-Saint-Denis, semblent défiler en accéléré tant les gestes des travailleurs sont rapides, affûtés. Ils ont l’air de planter plus vite qu’il ne faut de temps pour dire le mot «poireau», qui n’est pourtant pas bien long. Mais l’archive est jouée sur le mode normal ; elle plonge le visiteur de la ferme dans le travail de René Kersanté, dont la famille s’est installée en 1920 à Saint-Denis et qui y a cultivé des légumes jusqu’en 2017. La chose est un peu oubliée aujourd’hui, mais Saint-Denis a longtemps été un grand territoire de maraîchage.
La ville fait partie de la plaine des Vertus, qui englobe Aubervilliers (ville longtemps nommée Aubervilliers-les-Vertus), Bobigny, Stains ou encore La Courneuve, et où la production maraîchère a vraisemblablement commencé au Moyen Age pour se poursuivre massivement jusqu'à la première moitié du XXe siècle, moins depuis. Au XIXe siècle, la plaine avait la cote : ses marais étaient connus comme «le véritable jardin de Paris», où l'on produisait et où l'on expérimentait aussi, développant de nouvelles variétés. Avant que le coin, qui a été témoin des grandes évolutions techniques agricoles comme la mécanisation, ne soit petit à petit becqueté par les grands immeubles nouveaux et les usines, notamment du secteur de la