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Libération
Interview

En Afrique, si on met en avant l'ethnie, c'est le massacre.

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Ahmadou Kourouma écrivain, parle de son enfance en Côte-d'Ivoire, du colonialisme, du communisme et du panafricanisme après la guerre froide.
publié le 20 janvier 2001 à 22h01

On vous présente souvent comme le descendant d'une lignée de guerriers-chasseurs, mais cela sonne un peu comme une image d'Epinal. Dans quel univers, urbain ou rural, avez-vous grandi ?

J'ai vécu dans un milieu de fonctionnaires, de privilégiés du régime colonial. Mon oncle était infirmier. Mais c'est vrai qu'on allait à la chasse comme tout le monde, la nuit. Mon oncle n'y allait jamais sans moi parce que j'étais un peu sa boussole et, quand on se perdait, j'indiquais toujours la bonne direction.

Votre père était décédé ?

Non, mon père était un chasseur aussi. Mais on m'avait donné à mon oncle, à cause des coutumes malinké (1). Quand la guerre de Samory (2) est arrivée dans notre village, à Togobala, en Guinée, mon grand-père n'était pas pour Samory, car ce dernier se présentait comme «almany» (3) alors qu'il ne connaissait pas le Coran. Le chef de guerre envoyé par Samory, celui qui a conquis le village, a pris ma grand-mère et l'a emmenée. Elle a ainsi eu deux lits : son premier mari était mon grand-père, son deuxième mari, le chef de guerre... qui est devenu ainsi mon oncle. Pour que les deux familles aient des liens, mon oncle m'a pris de force, j'ai été obligé de quitter mon père et ma mère pour vivre chez lui, à Boundiali en Côte-d'Ivoire.

Votre famille était du côté des colons ?

Mon père ­ en fait mon oncle ­ était considéré comme un colon. En tant que fonctionnaire, il a toujours été du côté des colons, il a toujours défendu la colonisation. Les fonctionnaires exploitaie