Il y a vingt-cinq ans, vous lanciez la revue «Hérodote» et publiiez un livre qui fit alors grand bruit, «La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre»...
A l'époque, les étudiants d'Histoire et donc de géographie avaient décrété, dans l'euphorie soixante-huitarde, que la géographie était une «science réactionnaire». Je leur ai dit: «Les critiques que vous faites sont très peu de choses par rapport à ce qu'il faut en dire.» J'ai donc dressé une critique de l'enseignement de la géographie tel qu'ils en avaient l'habitude dans les lycées et même à l'université pour leur montrer que cet enseignement académique se caractérisait surtout par l'exclusion complète de tout ce qui avait rapport au politique. Mais rien n'empêchait, bien au contraire, de réintroduire et de rappeler le rôle du politique dans la géographie. A ce moment-là, un certain nombre d'entre eux a été tout à fait passionné, c'était le point de départ de la revue.
J'ai surtout rappelé le rôle d'Elisée Reclus (1830-1905), formidable géographe s'il en fut: à ses yeux, le politique était indissociable du raisonnement géographique. C'est l'un des grands penseurs du mouvement libertaire, il était communiste, mais Marx le détestait. L'analyse de Reclus dans les 19 tomes de sa Géographie universelle est intégrée à une approche politique d'autant plus intéressante qu'elle n'émane pas d'états-majors, de grandes firmes commerciales ou coloniales mais qu'elle traduit une analyse politique anti-impérialiste très clairvoyan