Peut-on parler de l'apparition de nouveaux troubles mentaux? Et pourquoi parlez-vous de culture du malheur intime?
Les cliniciens désignent par le terme de «nouvelles pathologies» les dépressions, les pathologies narcissiques, les addictions, les psychopathies (à propos de la violence notamment), les troubles de l'identité, les syndromes post-traumatiques, etc. Très hétérogènes, ces troubles mentaux sont souvent soit des redéfinitions de pathologies connues (la dépression plutôt que la névrose), soit des symptômes devenus courants (les addictions étaient peu répandues ou révélées avant la drogue de masse). Mais, surtout, les questions de pathologie mentale, qui étaient marginales il y a trente ans, sont aujourd'hui extrêmement envahissantes. On les rencontre partout, à l'école, dans la famille, le travail ou la justice. On assiste à la montée d'une attention sociale, médicale et, désormais, politique, à la souffrance psychique. La plainte subjective dans toutes ses facettes, via le thème du mal-être, est désormais au centre de la scène sociale. Là est la nouveauté. Des professionnels en nombre croissant interviennent dans ce domaine, des institutions sont créées, des politiques publiques se mettent en place et un langage de la vulnérabilité psychologique est en train de s'imposer. C'est de ce point de vue que je parle de culture du malheur intime. En tout cas, il ne s'agit pas de nouveaux troubles, comme on parle de nouvelles maladies somatiques (le sida, par exemple).
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