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Interview

Nous ne voyons pas la souffrance des jeunes telle qu'ils la vivent

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Marie Choquet : épidémiologiste, elle relativise la violence des jeunes et revient sur ses causes.
publié le 12 mai 2001 à 0h51

A l'Inserm, vous avez coordonné plusieurs études sur les troubles adolescents. Or, le discours sur la violence des jeunes se conjugue à la politisation du débat sur l'insécurité. Quel est le regard de l'épidémiologiste là-dessus ?

D'où qu'il vienne, ce discours sur la violence des adolescents recèle le même contenu et une même «philosophie»: les jeunes sont de plus en plus violents, surtout en banlieue ; les familles monoparentales et le manque de repères sont en cause ; il faut être plus ferme et poser des limites... Mais, dès qu'on observe les faits sur le terrain, l'on a souvent des surprises : ainsi ne parle-t-on presque pas des violences infligées aux jeunes, alors qu'elles sont plus importantes que celles qu'ils font subir à autrui.

Ce qui ne facilite pas la tâche de l'épidémiologiste, c'est qu'il doit sans cesse aller à l'encontre des idées reçues. Que ce soit à propos de la fréquence des phénomènes ou des facteurs associés. Ainsi, lorsqu'on examine la place des facteurs économiques et sociaux dans le développement des troubles adolescents, s'aperçoit-on qu'elle est mineure par rapport à des facteurs plus relationnels, comme les rapports entre le jeune et sa famille, le jeune et l'école, etc. Un récent document de l'Américain Robert Blum, forgé à partir d'une grande enquête auprès de dizaines de milliers de jeunes, montre qu'il faut aller au-delà des facteurs sociaux. Le titre en est d'ailleurs significatif, Beyond Race, Income and Family Structure («Au-delà de la race