Jusqu'à présent, aucune campagne présidentielle ne s'est déroulée sans surgissement d'un troisième homme : ce fut le cas en 1965 avec Jean Lecanuet, en 1969 avec Alain Poher, en 1974 avec Valéry Giscard d'Estaing, en 1981 avec Jacques Chirac, en 1988 avec Raymond Barre, en 1995 avec derechef Jacques Chirac. D'un point de vue purement démocratique, c'est d'ailleurs une bénédiction car rien ne serait plus dissuasif sur un plan civique et plus choquant intellectuellement que d'enfermer huit mois à l'avance les Français dans un duel préétabli. Jacques Chirac et Lionel Jospin, les deux cohabitants, font aussi conjointement figure de cofavoris pour le second tour de l'élection présidentielle.
La partie n'est cependant pas fermée à l'avance. Ce serait bien la première fois qu'un outsider ne viendrait pas se mêler à cet assaut électoral décisif et ne bousculerait pas le jeu. La question est évidemment de savoir de qui il peut s'agir. Arlette Laguiller et Jean-Marie Le Pen sont l'un et l'autre capables d'obtenir un bon score. La vaillante vestale du trotskisme et le sulfureux tribun de l'extrême droite disposent d'un socle électoral solide mais, malgré l'impopularité de la mondialisation qui servira la première et l'exaspération des Français face à l'insécurité qu'exploitera le second, ils ne peuvent espérer figurer au deuxième tour. Leur pouvoir de nuisance est grand, leur capacité d'espérance est faible. Un bon candidat vert Noël Mamère, par exemple aurait peut-être été capable