Samedi
Quotidien mode d'emploi
Pourquoi ai-je accepté cette proposition de chronique quotidienne ? Parce que le quotidien me fascine en tant qu'il est une dimension constitutive de la modernité. La quotidienneté apparaît lorsque décline ou disparaît le rythme des scansions mythiques et cosmiques, lorsque l'épopée et même le roman se sont effacés derrière le journal dans tous les sens du mot : intime ou public, le répertoire au jour le jour d'une succession de présents fugitifs, sans origine ni destination.
De Heidegger en Benjamin et de Lefebvre en Debord, de microhistoire en peinture des jours à la On Kawara, sans oublier la «psychopathologie de la vie quotidienne», le quotidien a innervé notre culture. Bien avant déjà, Hegel pouvait dire que la lecture du journal était la prière quotidienne de l'homme moderne. Mais cette prière honorait encore un esprit divin présent à chaque moment de sa propre histoire. Pour nous le quotidien s'écoule plutôt comme l'instant inconsistant et insignifiant où chaque présent s'absente.
Parfois l'événement suscite une présence énigmatique ou monstrueuse, inappropriable et inoubliable. Le quotidien prend alors en charge, simultanément, la répétition du choc et son effacement. C'est ce qui se produit de manière exemplaire en ce moment : déjà le 11 septembre s'estompe légèrement, ne fait plus les unes ni même parfois les deux des quotidiens, mais en même temps il ne cesse de nous arriver et de raviver ses questions. Sauf événement contraire, c'est de