Un Le Pen nouveau est arrivé. Sur le fond, il n'a pas changé d'un pouce. Il malaxe toujours inlassablement les mêmes thèmes, ceux d'une France sanctuaire agressée de toutes parts, menacée par la mondialisation, dévorée par l'Europe, envahie par un flot ininterrompu d'immigrés, une France abandonnée au déclin et livrée à la déliquescence, une France dépouillée de sa souveraineté, apeurée : toute la mythologie apocalyptique des figures de l'extrême droite. Seulement voilà, ce que jadis et naguère Jean-Marie Le Pen formulait avec violence, fulminait avec rage, dérapant immanquablement à la centième apostrophe, il l'exprime désormais presque courtoisement, avec une retenue vigilante, sur un ton policé et en mobilisant tout un vocabulaire châtié. On reste dans l'irrationalité vengeresse, on évite les provocations et les débordements révélateurs. C'est à 73 ans un Le Pen light qui surgit.
Heureusement que le président du Front national n'a pas eu l'idée de cette nouvelle tactique il y a sept ans, lorsqu'il était à l'apogée de sa puissance, au summum de son pouvoir de nuisance, avec une extrême droite tout entière rassemblée derrière lui, un Bruno Mégret confit en dévotion, une France déboussolée et son propre charisme de tribun populiste. Avec une gauche alors à peine convalescente et une droite s'entre-déchirant avec une haine morbide, le résultat aurait pu être catastrophique. En 1995, Jean Marie Le Pen avait atteint 15 % des suffrages exprimés et rassemblé plus de quatre million