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Libération
Reportage

Les copains du 5h56

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Depuis dix ans, ils prennent le même train de banlieue au petit matin. Ils en ont fait le rendez-vous de l'amitié, le reste du temps leur étant compté.
publié le 16 février 2002 à 22h18

L'horloge indique 5h56. Le train entre en gare de Dammartin (Seine-et-Marne) et Noëlle, Maryse, Béatrice et Bernard montent à bord. Bernard jette un oeil à l'intérieur du wagon et lance, consterné: «Ils ne sont pas là. Décidément, on ne peut pas compter sur les autres.» Les autres, ce sont Marc et Claudine, et aussi Michel, le menuisier. Ils montent en amont sur la ligne: à Crépy-en-Valois, à Feigneux. Mais ce matin, certains des «copains de voyage» manquent à l'appel. Tant pis pour eux. Ils ne vivront pas l'étrange brûlure du gobelet de champagne avalé à l'aube.

Car aujourd'hui, Noëlle, 57 ans, fête son anniversaire. Et offre sa tournée. Il en va ainsi dans cette petite troupe qui fait quotidiennement le même trajet banlieue-Paris: on fête tout, ensemble, dans le wagon. Les anniversaires, les départs en retraite, Noël, la galette des rois, Pâques... Le train s'ébranle. Noëlle enlève son manteau (en hiver, les radiateurs surchauffent) et déballe bouteilles de champagne, biscuits à la cuillère et jolies serviettes en papier. Bernard fait sauter les bouchons. Béatrice reprend ses travaux de broderie.

«On n'est pas du genre à dormir», dit Noëlle, en indiquant du menton ceux qui, dans le fond du wagon, ont le front appuyé à la vitre et les yeux clos. Trente-quatre minutes à partager avant d'arriver à la gare du Nord. Ensuite, ce sera le métro pour les uns, le RER pour les autres, le bus encore après. Près de deux heures de transport, pour le seul trajet du matin. Epuisant.

Noëlle a