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Interview

En Bosnie, pas d'autre solution que l'Etat multiethnique

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Paul Garde: historien et linguiste, analyse les nouveaux découpages géographiques et ethniques de la Bosnie, dix ans après le début de la guerre.
publié le 2 mars 2002 à 22h28

Dix ans après le référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine le 1er mars 1992 et le début de la guerre, toute idée d'une coexistence entre Bosniaques (1), Croates et Serbes a-t-elle vécu ?

C'est en effet une idée qui est aujourd'hui très difficile à réaliser. Mais il faudrait prendre la question par l'autre bout : si on ne fait pas un Etat multiethnique, qu'est-ce que l'on met à la place ? On s'aperçoit alors que toute autre solution soulève des difficultés encore plus grandes. Car, de toute façon, si l'on envisage la Bosnie dans son territoire, il y a bien trois populations. Avant guerre, Serbes, Croates et Bosniaques étaient étroitement entremêlés. Les trois populations sont toujours là, et leur sentiment d'identité est encore plus fort maintenant. Il n'y a pas d'autre solution que l'Etat multiethnique.

Cependant, la guerre de 1992 à 1995 a entériné une nouvelle répartition géographique au sein de ce même territoire...

L'épuration ethnique a entraîné une réorganisation géographique. Regardez la carte de la réalité : c'est une marqueterie minuscule d'une douzaine de petites enclaves. Dans la Fédération (2) , il existe des zones sous contrôle bosniaque (Sarajevo et alentour, Gorazde et Bihac) ou croate (l'Herzégovine, Vitez, Kiseljak, etc.). Et même si la RS est plus uniforme, il y a tout de même deux parties qui ne sont pas contiguës avec, à l'ouest, Banja Luka, et, à l'est, Pale. On a demandé un jour à un grand historien d'origine croate enseignant aux Etats-Unis,