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Libération
Critique

L'amour est dans la salle d'attente.

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publié le 2 mars 2002 à 22h28

La lumière est si pâle qu'elle efface tout parfois. Les murs, les rues, les couloirs, les salles d'attente, si peu remarquables, si invisibles presque qu'on se demande s'il n'y a pas une erreur. Une cinéaste a-t-elle pu vouloir cela, ce degré zéro du décor, de l'atmosphère, de l'environnement ? Et eux, les personnages, à part fumer comme des pompiers ? Au milieu du plan, concentrés sur ce qui leur arrive et autant sur ce qui ne leur arrive pas. Accablés de lourdeur ou en apesanteur, ils ne trouvent jamais le juste milieu, leur incertitude est la matière même de leurs gestes, de leurs paroles, le monde paraît léger et en même temps bloqué, comme un drame qui se retient sous l'illusion du jeu, et Laurence Ferreira Barbosa, entre Rivette et Moretti, (ré)inventait la comédie avec ce J'ai horreur de l'amour, bien plus sophistiqué qu'en apparence, utilisant comme une respiration ce frêle espace qui sépare la banalité de la folie, la normalité de sa partie détraquée.

C'est quoi le malheur, dans une société qui ne veut pas en entendre parler, pour les autres oui, mais pas pour elle ? Pauvreté de la dépression, manque d'expressivité de la souffrance, l'ennui a même contaminé l'air. Jeanne Balibar est médecin, Laurent Lucas a le sida, Jean-Quentin Châtelain est hypocondriaque, il y a aussi un ex-mari et un ancien taulard, et c'est encore lui le moins largué. Les trois premiers forment un triangle impromptu autour de la maladie, ils cherchent ce qu'ils pourraient bien en faire, à quoi e