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Interview

Pierre Birnbaum: «L’alliance entre les juifs et l’Etat est remise en question»

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Le sociologue et historien s’interroge sur la place aujourd’hui des juifs de France.
publié le 16 mars 2002 à 22h37
(mis à jour le 16 mars 2002 à 22h37)

Votre précédent ouvrage faisait un tour de France lors de l’apogée des campagnes antisémites, en 1898, qui accompagnent l’affaire Dreyfus. Pouvez-vous faire une comparaison avec la situation actuelle, où on reparle d’antisémitisme ?

Ce sont deux sociétés radicalement distinctes… Aujourd’hui, dans les villes de France, on ne voit pas des foules de 10 000, 20 000, 30 000 personnes hurlant «Mort aux juifs !» ; on ne trouve pas ces immenses mobilisations antisémites qui touchent même les plus petits villages… La grande différence, c’est, d’une part, le déclin du nationalisme populiste, l’alliance de fait, pour faire court, entre Drumont, Blanqui et Barrès, et, d’autre part et surtout, le fait que l’Eglise catholique a changé et a rompu ses liens étroits avec le camp nationaliste.

Aujourd’hui, en 2002, l’Eglise catholique reconnaît le pluralisme religieux de la France contemporaine, accepte de n’être que l’une des identités cultuelles de la société et reconnaît les juifs comme étant partie prenante de la nation française. Dans la France de la fin XIXe siècle, deux grands imaginaires se disputaient la société française : le républicain rationaliste et le catholique identitaire. Tous deux se considéraient comme incarnant à eux seuls la véritable identité de la société française ; tous deux étant également homogénéisateurs et assimilationnistes.

Il me semble qu’à cette époque-là, de la Révolution française à l’affaire Dreyfus, les juifs étaient au centre de cette dispute qui n’é