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Libération

L'envert

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publié le 16 mars 2002 à 22h37

A gauche, une fillette afghane prise en photo en juin 1985 pour le magazine américain The National Geographic. A droite, la même, dix-huit ans plus tard, retrouvée et fixée par le même photographe, Steve McCurry, oeuvrant à nouveau par le National Geographic. Le premier portrait a fait le tour du monde des magazines. Pourquoi cette image est devenue une icône, c'est-à- dire une image religieuse ? Sans doute parce qu'elle symbolisa pour la mauvaise conscience occidentale le mauvais sort fait aux enfants afghans et, par-delà, aux enfants de toutes les guerres. Mais aussi parce que ce portrait est le portrait d'un regard. La reproduction parue en noir et blanc dans Libération du 14 mars ne dit pas que ce regard est d'un vert jade à se noyer, que sa charge hypnotique est d'autant plus forte, et que ses yeux, voilés de tendre effroi, sont les plus beaux yeux du monde. Les yeux, et le visage qui allait avec. Foin d'angélisme : si la gamine avait été disgracieuse, quels que soient ses yeux, elle ne serait pas devenue un poster mondial.

Dix-huit ans plus tard, par une sorte d'avant-après un rien sadique (le choix du cadrage à l'identique n'est pas innocent), le visage s'est dissipé, l'effroi a mué en soucis sourcilleux, et à l'aune des critères occidentaux, il accuse beaucoup plus que ses 30 ans. Mais les yeux restent. Bien plus, ce sont eux qui, soumis au dernier cri du FBI (identification par les iris), ont certifié qu'à dix-huit ans de distance, c'est le même être humain qui en es