Les frères Wachowski passèrent de Bound, petit polar lesbien léché en 1995, à l'énorme érection cyberfashion de Matrix, qui cassa la baraque aux Etats-Unis et relança le débat concernant l'influence sur les ados de la violence au cinéma. Le film est effectivement taillé à leur mesure, trouvant sa force de frappe dans une inversion simple comme bonjour, encore fallait-il l'oser. L'espace virtuel des jeux vidéo est en fait la réalité vraie, et c'est le monde réel qui n'est qu'une gigantesque simulation. L'environnement urbain habituel est un logiciel dont les humains de Matrix (la Matrice) sont dupes, tandis que l'univers graphique gothico-new age du film, s'apparentant à de la pure BD, représente le vrai monde, dans lequel, à la suite d'un cataclysme grâtiné, les machines ont pris le pouvoir et transformé monsieur et madame tout-le-monde en source d'énergie. N'est pas passé par l'adolescence celui qui n'a pas rêvé à cette inversion, souhaitant vivre «pour de vrai» avec ses héros favoris ou dans sa sitcom adorée. Matrix fait son beurre de cette évasion, principe de l'entertainment et symptôme des sociétés de loisirs où l'imaginaire est sollicité et formaté pour les besoins du capitalisme, au risque d'une croissante confusion entre réalité et fiction. Un autre versant de la vie enfantine est la menace du cauchemar, tel que le découvre Néo (Keanu Reeves), archange cybernétique chargé de vaincre la Matrice, propulsé dans de dégoûtants tuyaux utérins rappelant l'angoissante empris
Critique
Matrice du virtuel
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par Isabelle POTEL
publié le 16 mars 2002 à 22h37
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