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Libération

Où vont les vies qui n'ont pas été vécues?

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par Gérard Mordillat
publié le 16 mars 2002 à 22h36

Samedi

Osselet

J'ai été le témoin, la semaine dernière, d'un drame épouvantable rue Charlot, dans le IIIe arrondissement à Paris. Depuis longtemps, de ma fenêtre, j'observe avec bonheur la devanture des établissements Osselet, Alliances, Métaux précieux. Une devanture à la symétrie rassurante, une sorte de diptyque urbain où deux portes encadrent deux vitrines jumelles pareillement grillagées, le tout peint d'un gris modeste comme on en voit aux murs des châteaux du XVIIIe. Au-dessus de la porte de gauche l'inscription «Alliances» m'évoque nécessairement l'Ancienne et la Nouvelle, la Bible hébraïque et le Nouveau Testament ; ce qui justifie les deux portes, les deux entrées. «Métaux précieux» au-dessus de celle de droite défie en moi l'amateur d'homophonies approximatives : «Mes taux précieux», «Mets trop près yeux», «Mes taupes pressent Yeu», etc. Quant aux sept lettres d'OSSELET (scrabble !) elles sont un inépuisable réservoir d'anagrammes : «S.O.S L'ETE», «TEL ESSO», «OS ET SEL», etc. et une mine de mots à extraire : os, o.s, ose, osée, sel, set, lot, lolo, olé, etc.

Lundi ou mardi dernier, un commando de peintres est venu tout effacer sous un gris laqué. Un gris industriel imperméable à la pluie, aux jeux de l'esprit, au soir qui tombe, au temps qui passe. Désormais il n'y a plus d'Alliances rue Charlot, plus de Métaux précieux, qu'un Osselet orphelin près d'une lanterne semblable à celle où Gérard de Nerval se pendit.

Dimanche

Roboam

Encore des morts au Proche-Orient. Encore