Ceux qui, depuis un siècle, tentent de bâtir des concepts comme d'autres des cages à lapins afin de départager la fiction du documentaire, ont trouvé en Henri-François Imbert un coriace empêcheur de classifier en rond. Que disent ses deux films, Sur la plage de Belfast (que Arte diffuse dimanche soir) et Doulaye, une saison des pluies (lundi à 22 h 20)? Que les fictions les plus vitales, les légendes qui nous aident à vivre, les châteaux forts dont on a choisi qu'un jour ils nous protégeraient et les mythes pro domo dont on s'arme très tôt pour se lancer dans la vie, bizarrement ce sont dans les documentaires qu'on les rencontre, et guère ailleurs. Et que, d'une certaine façon, si on en accepte le violent paradoxe, la fiction n'a qu'un seul horizon possible, celui du documentaire.
Les films d'Imbert le savent, eux qui peuvent très bien rentrer par la grande porte du premier et sortir par la lucarne du second en un seul et même mouvement. Comment ça ? Nous sommes au mitan des années 90. Imbert vit à Paris. Sa fiancée lui ramène de Bangor, bourgade balnéaire non loin de Belfast, une caméra amateur au chargeur encore occupé par une bobine laissée inachevée par un précédent propriétaire. Imbert fait développer ce film d'un autre, le visionne à discrétion, s'en éprend. Il tombe amoureux de cette plage dont il ne connaissait pas le sable, de ces corps dont il n'aurait su dire le nom, de cette famille qui n'est (toujours) pas la sienne. Les yeux usés par des heures de visionnage rép