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Libération
Critique

Alibi bancal

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publié le 13 avril 2002 à 23h01

Même les plus grands cinéastes ont fait de mauvais films, en tout cas de moins bons, qui se révèlent parfois très pédagogiques, les erreurs parlant autant, si ce n'est plus, que les réussites. Qu'est-ce qui ne va pas avec ce Grand Alibi (Stage Fright, 1950), que Hitchcock tourna après les Amants du Capricorne ­ une échappée romanesque discutable pour les beaux yeux d'Ingrid Bergman ­ et juste avant l'Inconnu du Nord-Express, qui renouait avec l'art du suspense tel que son inventeur n'a cessé de le traquer ? Disons qu'un flottement plane sur le film, lequel n'éclôt jamais, se traînant sans éblouissement jusqu'à la fin. Tout est là en apparence, mais rien n'est là véritablement. Principalement, le méchant est raté, car justement il ne l'est pas, ou pas assez. Et pas non plus innocent, ou pas assez. Chez Hitchcock, il n'y a pas de place pour les demi-mesures, les demi-portions.

Le film commence par ce qui l'a rendu célèbre, un flash-back mensonger. Affolé, un certain Jonathan raconte à celle à qui il réclame de le cacher comment il porte le chapeau d'un crime que vient de commettre sa maîtresse, une chanteuse de cabaret célèbre (Marlene Dietrich, dont l'étrangeté sophistiquée passe mal, comme si elle la mettait hors de portée du thriller). Ce que raconte Jonathan est en partie faux, on le comprendra ultérieurement, et on reprocha à Hitchcock cette manipulation par trop élaborée du flash-back, lui à qui on reprochait également d'informer les spectateurs plus vite que ses personna