Boston envoyé spécial
Nous sommes dans un laboratoire classique, quelque part (1) dans Boston. Le décor est familier : pipettes, tubes, appareils de mesure, microscopes, chercheurs, étudiants. Mais, soudain, la réalité s'estompe et on bascule sur l'île du docteur Moreau. «Attention devant !», dit un chirurgien, le visage masqué, en traversant le couloir : il porte un patient à bout de bras, le tenant sous les aisselles. Le malade revêt une blouse chirurgicale. Horreur, sa tête est celle d'un singe. Il semble mort. Notre accompagnateur, le docteur David Sachs, un homme chaleureux et passionné de 60 ans, nous rassure : «Ce babouin est sous anesthésie. Il a un thymus de cochon depuis plus d'un mois. Il va au bloc opératoire pour un prélèvement.» On se pince. Dans une autre salle, d'autres chirurgiens s'affairent autour d'une table d'opération. Deux pattes de cochon, attachées, dépassent des champs stériles... «On lui a mis un autre coeur, à celui-là. Ils font une biopsie», commente Sachs. Au bout du couloir, une quarantaine de petits cochons, quasiment identiques, grognent dans de petites cages. Certains portent des bandages. «Ce sont des jumeaux : je croise ces cochons miniatures de même souche depuis trente ans», raconte le Dr Sachs avec une fierté presque paternelle. L'étrange sensation d'avoir quitté la réalité réelle atteint son paroxysme lorsque, dans une salle sombre voisine, on découvre une dizaine de babouins, suspendus la tête en bas dans leur cage, en train de regarde