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Libération
Interview

«Plutôt un morceau d'animal qu'un organe d'homme mort»

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Jean Real, spécialiste des enjeux de la xénogreffe:
publié le 13 avril 2002 à 23h02

Documentariste, il a mené durant trois ans, avec le soutien de la communauté européenne, une enquête sur les enjeux culturels de la xénogreffe, interrogeant scientifiques, malades, médecins et historiens, en France et dans le monde. Il en a tiré un livre remarquable, l'Homme et la bête (lire ci-contre.

L'idée de greffer un organe animal sur un homme vous semble-t-elle trop choquante pour être un jour socialement acceptée ?

Au contraire, la xénogreffe paraît plus compatible avec la tradition occidentale que l'allogreffe, la greffe d'organes humains prélevés sur des cadavres, actuellement pratiquée. On s'est longtemps attribué, de façon symbolique, des vertus animales en consommant des fragments d'animaux. Des testicules de renard et de verrat, au XVIIe siècle, pour la fertilité, à la chair de vipère contre les venins, les recettes abondent... Cette exploitation de l'animal est dans la continuité de l'esprit biblique. La Genèse exhorte l'homme à tirer profit de la nature : «Emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, et tous les animaux qui rampent sur la terre.» Utiliser un coeur de cochon pour sauver un malade entrerait dans ce continuum.

L'allogreffe, en revanche, est une transgression.

La greffe d'organe ne semble plus faire débat.

L'allogreffe est une technique formidable qui permet de sauver des centaines de vie et il n'est pas question ici de remettre en cause son intérêt médical. Il n'en demeure pas moins que ce geste est en