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Zoothérapies

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Comment la médecine, depuis Galien, bouscule la barrière homme-animal.
publié le 13 avril 2002 à 23h02

Il grogne et farfouille, le poil raide et noir, l'oeil petit sous les longs cils. Ainsi vaque le cochon, sauvage, à l'ombre des forêts d'Eurasie, de la nuit de ses origines à l'aube de son élevage, il y a huit mille ans. Alors l'homme vient, le capture, l'apprivoise, l'oblige enfin à s'accoupler à des congénères albinos. Esclave, l'animal devient rose, gras, myope, et massivement comestible. 620 millions de porcs sont mangés chaque année dans le monde. Mission domestication accomplie. Pourtant, l'amélioration de l'espèce continue. Non plus dans les fermes, mais dans des laboratoires. Non plus par les accouplements raisonnés, mais par la transgénèse. Non plus pour nourrir l'homme mais pour le réparer. Doté de quelques gènes très humains, délesté de quelques autres trop porcins, le cochon prodiguera, espère-t-on, coeur et poumons compatibles avec l'organisme de son maître millénaire (lire ci-contre). Ses abats méprisés deviendront des greffons honorés.

Jusqu'où vogueront les rêves de chimères ? Le génie génétique a accouché en vingt ans d'une flopée d'animaux «humanisés» pour les besoins de la santé humaine. Chacun d'eux ressuscite la question qui hante la philosophie et la médecine depuis l'antique Galien qui s'étonnait, lors de ses dissections, de la similitude entre le cochon et l'homme : quelle est la distance biologique entre l'animal et l'homme ?

Etranges greffes. En 1859, Charles Darwin, évoquant notre lignage simiesque, a définitivement ébranlé l'idée d'une barrière abso