Vous dénoncez dans Big Mother une dérive maternelle de l'Etat. Pourquoi ? Ecoute, proximité, caresses, urgence, amour, les hommes politiques jouent à la «maman» comme on dit maintenant. Les dirigeants n'osent plus diriger, les citoyens infantilisés attendent tout de l'Etat. La France est malade de sa politique comme certains enfants le sont de leur mère. A un pouvoir exerçant son autorité sur des citoyens qui le respectent, s'est substitué un Etat thérapeute flattant des individus qui le méprisent. Par sa «privatisation», la politique n'est plus le champ des conflits, des intérêts et des pouvoirs, mais celui des caresses, des affects et des bienfaits. Certes, les mères apportent une contribution au développement de chacun de nous comme à celui d'une société, et tout gouvernement doit remplir pour partie un rôle maternel. Je ne reproche donc pas à l'Etat d'être une mère, mais une mauvaise mère, c'est-à-dire trop bonne.
Quels dangers y décelez-vous ?
Trop absorbé par ses tâches maternelles et maternantes, l'Etat a de plus en plus de mal à remplir sa fonction paternelle : justice, armée, police, diplomatie. Il se mêle du bonheur privé et n'assure plus la paix publique. Quand il va au-delà des fonctions d'autorité, de protection extérieure et de régulation des conflits internes par une certaine part de redistribution, les membres de la société s'adressent à lui comme pouvant tout et devant le donner tout de suite. Si la «Maman-Etat» ne se contente pas d'être «suffisamment bonne»,