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Libération
Critique

Sexe et sacrifice

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publié le 28 septembre 2002 à 1h09

La même année (1978), il tourna le Mariage de Maria Braun et l'Année des treize lunes, films on ne peut plus différents, l'un cherchant du côté d'Hollywood l'artificialité flamboyante du mélo, l'autre retrouvant dans une théâtralité underground la sacralisation nécessaire au sacrifice d'un garçon boucher devenu transsexuel. Mais l'unité de l'oeuvre colossale de Fassbinder, comédie humaine aux dimensions balzaciennes (l'Allemagne par tous les bouts), n'a jamais fait défaut, traversée notamment par l'insistante figure de la victime expiatoire, être en déshérence partout rejeté, proie extatique des prédateurs. Le faible chez Fassbinder est celui qui comble de trop d'attentions le désir de son partenaire, transformant celui-ci en bourreau. Le faible n'existe que par son opposé qui est aussi son double, le fort, le salaud qui lui fera payer jusqu'à l'anéantissement son infernal besoin d'amour.

La même fascination tragique entre deux hommes est au travail dans bien des films, c'est celle de Franz Biberkopf et de Reinhold qui s'épanouit (bien au-delà de l'homosexualité) dans la matrice thématique qu'est Berlin Alexanderplatz, et qui germe ici entre Erwin-Elvira et Anton Saitz (joué par le même Gottfried John). Monstre d'égoïsme, génie sans scrupule, Fassbinder, on le sait, détruisait ceux qu'il mettait dans sa dépendance (beaucoup de suicidés autour de lui). Il en connaissait un rayon sur l'art de la manipulation sadique, cette éternelle relation dominant-dominé qui ne trouva nulle